Interview de Cédric MANARA, auteur de "Le droit des noms de domaine"

Cédric Manara, professeur de droit à l'EDHEC Business School, est membre du centre de recherche LegalEdhec et auteur d'un récent ouvrage consacré au droit des noms de domaine Internet.
   
Pourquoi avoir consacré une partie de votre recherche aux noms de domaine, pour faire ce livre ?
Aucun livre de droit en langue française n’a été consacré aux noms de domaine au cours des dix dernières années ! Dans le même temps, le nombre de noms de domaine en .com est passé de 29 millions à… 111 millions ! Il en existe 225 millions au total. Les noms de domaine sont la seule valeur immatérielle en croissance continue depuis les débuts du commerce électronique, ils sont essentiels à toute présence en ligne et toute activité électronique, et pourtant ils demeurent méconnus. Disséquer leur fonctionnement, afin d’expliquer les risques liés à cet actif essentiel me paraissait important.
En près de 500 pages, ce livre décrypte les contrats grâce auxquels les noms de domaine existent et sont utilisés, étudie les responsabilités liées aux noms de domaine, et celles des acteurs gravitant autour des noms de domaine (bureaux d’enregistrement ou registraires de noms de domaines (registrar en anglais), registres, places de marché, etc.). Rédigé en français, il n’en est pas moins international, tout nom de domaine étant transnational par nature.

Quels sont les principaux risques liés au nom de domaine ?
Sa perte ou son détournement. Sans nom de domaine, l’activité en ligne est rendue difficile, pour ne pas dire impossible : plus d’accès au site web, plus de messagerie… Entreprises, administrations, associations ou particuliers, nous sommes tous dépendants aux noms de domaine sans nous en rendre compte, et c’est le jour où nous en serons privés que nous nous en rendrons compte !
Le FBI peut décider de saisir un nom de domaine, ce qui est la peine de mort électronique : c’est ce qu’a illustré l’affaire Megaupload en janvier 2012.
Un registraire peut décider de suspendre un nom de domaine et ainsi mettre en péril un site : c’est ce qu’a montré l’affaire Wikileaks en décembre 2010.

Si vous aviez trois conseils à donner avant d'enregistrer un nom de domaine ?
En premier lieu, ne pas hésiter à investir ! L’espace .com est saturé (111 millions de noms enregistrés à ce jour), et le nom sous lequel on veut exister en ligne est souvent déjà pris. Plutôt que de créer un nom long, ou incompréhensible, et difficile à retenir, mieux vaut chercher à racheter un nom de domaine. Il s’agit de la porte d’entrée à son activité, et du premier point de contact pour les internautes, aussi importe-t-il d’avoir une vision de long terme en n’hésitant pas à dépenser pour acheter un nom de domaine.
Ensuite, bien identifier les risques liés au nom ou aux noms que l’on choisit, de manière à être en mesure de les affronter ou les anticiper. Que se passera-t-il, par exemple, si le nom que l’on a choisi pour faire du commerce dans l’Union Européenne s’avère identique à une marque déposée en Asie ou en Amérique du Sud ?
Bref – et ce pourrait être le troisième conseil –, il faut placer le nom de domaine au cœur de toute réflexion stratégique !
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