Le CNE, contrat de deux ans destiné aux TPE, rencontre un fort succès. Un dispositif bien adapté aux cadres.
LE CONTRAT nouvelles embauches séduit les très petites entreprises. Plus de 100 000 intentions de recrutement en CNE ont déjà été recensées. Les postes à faibles responsabilités sont les plus concernés par la mesure. Mais les cadres sont aussi engagés en CNE. «Ce dispositif est bien adapté à leur activité, car les cadres sont habitués aux contrats de projet», à durée déterminée, remarque la présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD), Françoise Cocuelle. Le CNE accorde surtout de grandes facilités de licenciement.
Delphine Mairiaux, fondatrice de Dynacom, a embauché récemment un chef de projet en CNE. Sa petite entreprise de traduction, qui compte désormais quatre salariés, marche pourtant bien. Mais les perspectives à moyen terme sont difficiles à déterminer. «Mon chiffre d'affaires a toujours progressé, ce qui ne m'empêche pas d'avoir des craintes pour l'avenir, explique-t-elle. Aujourd'hui, j'ai été pour la première fois en concurrence avec une société indienne. Elle propose des prestations déplorables, mais à moitié prix.»
Au moment de recruter un cadre, Delphine Mairiaux n'a donc pas hésité. Le CNE, d'une durée de deux ans au maximum, qui permet de licencier un employé sans difficulté, s'il ne fait pas l'affaire ou si l'activité décline, s'est imposé. «Je n'aurais pas embauché s'il n'y avait pas eu le CNE, affirme le chef d'entreprise. Ce nouveau contrat m'a défrigorifiée.»
Peu après l'instauration du contrat nouvelle embauche, la fondatrice de Dynacom s'est mise en quête d'un «profil international, parlant parfaitement anglais, avec de l'expérience dans la traduction et qui a roulé sa bosse». Pour tomber rapidement sur Pierre Fabrié, chef de projet niveau senior, ayant vécu sept ans dans des pays anglophones. Un candidat sur mesure. Immédiatement recruté.
L'intéressé, au chômage depuis un an, n'a pas hésité. «En Irlande, où j'étais cadre dans une grande entreprise, même les permanents avaient des contrats d'un an ou deux», remarque-t-il. Rodé à la procédure, il accepte le CNE. «Je me suis dit que, de toute façon, si on veut vous licencier, que vous soyez cadre ou pas, en CDI ou non, on le fait.»
Le raisonnement est le même pour Christian Vital, 59 ans, embauché en CNE en septembre. «Pourquoi s'accrocher à un CDI quand on est sûr de ses compétences, de part et d'autre ?», s'interroge-t-il. Fondateur de la Sogemap, une société de services informatiques qu'il a revendue il y a peu, Christian Vital a accepté un CNE dans son ancienne entreprise, jusqu'à sa retraite. «Dans deux ans, je jouerai au golf avec l'actuel propriétaire», sourit-il.
La précarité indue ne l'effraie pas. «Chacun peut se séparer de l'autre. Je trouve ça très bien. J'aurais accepté ce même type de contrat avec dix années de moins», affirme-t-il. Pour le repreneur de son affaire, Stéphane Magnon, l'idée n'est de toute façon pas de limoger Christian Vidal avant terme. «Il est embauché dans une optique de transmission d'entreprise, avec une distillation de sa connaissance de la clientèle», observe Stéphane Magnon.
L'intérêt est stratégique pour le nouveau propriétaire. «Si demain Christian Vidal n'est plus là, cela peut nous poser de gros problèmes.» Et Stéphane Magnon de rappeler que, «quand une personne est embauchée, c'est pour être gardée. Sinon, je ne la fais pas signer.»
L'argument est repris par Delphine Mairiaux. Car le contrat nouvelles embauches, à peine mis en oeuvre, a mauvaise réputation chez les salariés. «Quand on recrute en CNE, les gens nous regardent d'un oeil torve. Ils pensent qu'on prend la personne pour ensuite s'en défaire. Mais on n'a aucun intérêt à agir de la sorte, sinon on perd tout le temps passé à la former», commente-t-elle.
«Dans une boîte de moins de 20 personnes, il y a une telle proximité avec les gens que, à la fin, on embauche. On se dit bonjour tous les matins. On connaît les problèmes de chacun, l'âge des enfants... On ne peut pas licencier», renchérit Françoise Cocuelle, la présidente du CJD. Mais d'admettre que le CNE aboutit à un «réancrage de la peur» et à une «dégradation du lien de confiance», déjà bien entamé, entre patron et salarié.
19 décembre 2005 - Figaro Entreprises

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