Depuis quelques années déjà, une nouvelle manière d’innover s’installe : l’innovation responsable. Le principe ? Innover pour être utile à la société, à la planète, sans toutefois ignorer les considérations économiques. Mais comment changer la culture de l’entreprise et des consommateurs pour tendre vers des modèles plus vertueux et plus durables ?

Le Club Innovation EDHEC Alumni a rassemblé trois expertes autour de la table pour aborder cette question : Aurélie Sykes-Darmon, EDHEC 2012, cofondatrice et présidente de KeekOff (qui accompagne les entreprises dans leur transition écologique et sociale), Ana Maria Bonduelle, directrice au sein du cabinet de conseil Bartle, et Élisa Pahlawan, manager senior au sein de ce même cabinet. L’occasion d’approfondir un sujet plus que jamais d’actualité.

Innovation ou innovation responsable : quelle différence ?

L’innovation est la production et la diffusion d'une nouveauté pour le marché ou pour une entreprise qui nécessite une prise de risque et répond à des besoins ou des usages. L'innovation responsable cherche à répondre à des besoins ou une problématique d'ordre social ou environnemental et cherche à limiter les impacts sur toute sa chaîne de valeur. 

Innover ne signifie pas forcément inventer ; souvent, il s’agit de reprendre un concept existant pour trouver une manière différente de faire et de coopérer. L’objectif de l’innovation responsable est de provoquer des changements sociaux ou de travailler sur la durabilité d’un produit, ce qui requiert une gouvernance différente : anticiper l’impact de l’innovation sur l’avenir pour prendre les décisions, oser, prôner l’amélioration continue pour changer de cap si nécessaire.

Avant de t’engager dans l’innovation responsable 

La première étape est de te demander à qui s’adresse cette nouveauté et pour quelle raison : l’idée est-elle viable, faisable et souhaitable ? 

Appliquer les critères de la méthode ARIR te permettra de prendre de la hauteur pour définir ta vision et identifier les conséquences.

• Anticipation : quel impact sur la société ou la planète ?
• Réflexivité : innover dans quel but ?
• Inclusion : comment dépasser la simple relation client/entreprise et inclure toutes les parties prenantes ?
• Réactivité : l’innovation répond-elle aux besoins de la société ?

Aurélie rappelle la nécessité d’impliquer l’ensemble des parties prenantes, de s’assurer que des collaborateurs puissent mettre en place des stratégies et des actions concrètes, tandis qu’Ana Maria insiste sur l’idée d’accepter de « commencer petit ».   

4 écueils à éviter 

1. Le manque de collaboration entre les différents services.
2. La mauvaise utilisation des données récoltées ; celles-ci doivent permettre de rectifier les erreurs et de s’améliorer.
3. Les actions basées sur de simples suppositions.
4. L’inertie organisationnelle (avoir des intentions, mais ne pas agir). 

Les défis de l’innovation responsable 

Une chose est sûre, l’innovation responsable demande plus d’efforts que la simple innovation. Pour Élisa, « cette transformation implique de donner du sens à ses actions, de faire preuve de leadership et d’infuser une nouvelle culture dans l’entreprise ». Avoir les ressources et les connaissances en interne pour faire de l’innovation responsable est également indispensable, tout comme le fait de fédérer tes collaborateurs. Au-delà de l’interne, le travail collaboratif avec l’extérieur est essentiel ; associer acteurs privés et publics permet de partager les coûts et les risques. Enfin, l’innovation responsable requiert de tester le concept très rapidement auprès d’un panel de clients. 

De même, ROI et mesure de la performance sont importants : l’innovation responsable implique d’ailleurs de mettre en place des critères extra financiers (comme ceux de l’ADEME ou l’adhésion à des labels) pour mesurer l’impact RSE.  

Les éléments à prendre en compte pour réussir 

7 critères RSE 

1. Assurer une chaîne d’approvisionnement responsable : origine des matières premières et composants, fournisseurs… Comme la société Fairphone, fabricant de téléphones ayant un impact réduit sur la planète.
2. Déterminer les impacts positifs ou négatifs de ta façon de produire et de distribuer, choisir les technologies et procédés qui impactent le moins l’environnement, comme Durabric, la brique fabriquée sans cuisson, à base de matières premières locales.    
3. Avoir une proposition de valeur responsable : te questionner sur ta cible, le problème à résoudre et la valeur créée.
4. Instaurer une relation client durable : améliorer l’expérience des clients, comme le CHU de Montréal qui, en mettant l’IA au service du transport des chariots dans l’hôpital, a pu optimiser le temps du personnel auprès des patients.
5. Responsabiliser tes clients en faisant évoluer leurs comportements, comme Loop qui a introduit les emballages réutilisables pour plusieurs marques au sein de Carrefour, incitant le consommateur à choisir spécifiquement ces produits pour rapporter les contenants en magasin. 
6. T’entourer de partenaires responsables, en impliquant fournisseurs, clients et distributeurs, comme Too Good To Go qui a mis en place de nombreux partenariats pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
7. Réfléchir au cycle de vie du produit, pour le rendre réparable, réutilisable, biodégradable…

3 critères financiers

Comme le souligne Ana Maria, « pour être viable, l’innovation responsable doit avoir son propre business model », il est donc fondamental d’analyser :

1. Les coûts et investissements.
2. La fiscalité (avantages fiscaux, subventions des régions, de l’Europe…).
3. Les sources de revenus générés. 

3 Impacts positifs et 3 impacts négatifs pour orienter ta décision

• Ces répercussions positives sur la société et l’environnement peuvent-elles être maximisées sur tout le cycle de production et les activités ?
• Ces répercussions négatives sur la société et l’environnement peuvent-elles être minimisées ou évitées ; remettent-elles en question l’innovation ? 

Comme tu peux le constater, si l’innovation responsable est guidée par des raisons multiples et pertinentes, elle exige une réflexion approfondie sur la faisabilité, les collaborations et partenariats possibles, et les conséquences.   

N’hésite pas à partager avec la communauté EDHEC Alumni tes réflexions ou interrogations sur cette thématique inspirante. 

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