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Rencontre avec François Dupuy - Perception de la réalité, intelligence des acteurs, bureaucratisation : comment faire évoluer l’entreprise de demain ?

Inspiration Business

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18/05/2022

Le constat établi par la trilogie Lost in management de François Dupuy est sans appel : échec du taylorisme (cette méthode de travail compartimentée et répétitive organisée autour d’un mangement pyramidal), et nécessité de transformer les organisations en tenant compte à la fois des acteurs de l’entreprise et du contexte dans lequel ils évoluent. 

Pour son premier rendez-vous live, le 8 avril 2022, le Club Lecture EDHEC Alumni a eu le plaisir de recevoir l’auteur autour du troisième volet : On ne change pas les entreprises par décret. 

Sociologue des organisations, François Dupuy a écrit plusieurs ouvrages sur la bureaucratie, le changement et le management dans les institutions. L’occasion d’écouter son point de vue sur ces sujets, à l'heure du travail hybride dans l’après-crise sanitaire. 

Se détacher de l’abstrait pour s’attacher au concret  

La sociologie des organisations montre que managers et dirigeants éprouvent en majorité une grande difficulté à raisonner sur le « concret ». En effet, l’entreprise est un lieu d’abstraction, alors que savoir en décrypter le fonctionnement est un préalable à l’action. Aujourd’hui, on cherche toujours plus de recettes miracles à mettre en place ; pourtant appliquer une solution sans chercher à comprendre la nature du problème décontextualise l’action. « Arrêtez de trouver des solutions à des problèmes que vous ne connaissez pas » : pour François Dupuy, il est non seulement essentiel de faire la différence entre symptômes et problèmes pour trouver une solution, mais également fondamental de bien appréhender le contexte. Une notion à aborder selon lui dès la formation des managers. 

 

Cela passe notamment par l’écoute des collaborateurs par les managers. Une écoute qui pour François Dupuy doit être empathique et reposer sur deux principes qui te permettront de cerner les différents acteurs et d’analyser une situation :

  • Reconnaître qu’il n’existe pas une vérité mais différentes perceptions et s’intéresser à celle de son interlocuteur.
  • Ne pas porter de jugement.

 Car comme dans tout processus de changement, passant systématiquement par 1/ la compréhension d’une problématique, 2/ la recherche de solution et 3/ la mise en œuvre, la phase la plus importante est bien celle de la compréhension. François Dupuy l’affirme : « une fois qu’on a investi dans la connaissance, la compréhension amène la solution ».

Miser sur « l’intelligence des acteurs »

Pour résoudre un problème ou se transformer, comprendre et prendre en compte l’intelligence des acteurs est essentiel. Ce concept sociologique relatif à l’intelligence humaine dans les entreprises représente la capacité de tous les acteurs à trouver des solutions et stratégies cohérentes avec le contexte dans lequel ils se trouvent.  

La crise sanitaire a été très révélatrice en la matière. Pour exemple, François Dupuy se réfère à une étude sur laquelle il a travaillé de mars à décembre 2020 au sein de 9 entreprises (dont 7 du CAC 40), pour laquelle des centaines d’entretiens ont été menés. Tous pointent vers un même constat : la crise a été gérée par l’encadrement de proximité. Mais pour parvenir à assurer la continuité de l’activité, cet encadrement de proximité a dû pratiquer la « désobéissance organisationnelle », c’est-à-dire s’abstraire des règles et procédures émises par les fonctions support de l’entreprise, au motif que ces process ne permettaient pas la poursuite de l’activité. Cette attitude est l’expression même de l’intelligence des acteurs, car si ceux-ci avaient respecté les procédures aveuglément, ils n’auraient pu gérer la crise. L’intelligence revient ici à comprendre le contexte dans lequel on se trouve et adapter son comportement pour continuer l’activité, ce que les 9 organisations concernées ont bien compris.

S’interroger sur la bureaucratisation

Télétravail et procédures font-ils bon ménage ?

Si beaucoup d’entreprises ont constaté qu’elles fonctionnaient aussi bien, sinon mieux, allégées du « fatras bureaucratique », ont-elles définitivement pris acte de la situation et de la confiance accordée à l’encadrement de proximité et aux salariés ? La question est posée, mais pour François Dupuy il est encore trop tôt pour y répondre formellement. Il est intéressant de noter que si certaines organisations n’ont pas pénalisé les collaborateurs sur le terrain avec la bureaucratie et même simplifié certains process, d’autres ont au contraire émis de nouvelles procédures de gestion de crise. Ainsi, des entreprises ayant fonctionné avec l’intelligence de leurs acteurs et fait preuve d’agilité risquent de rencontrer des problématiques de bureaucratisation induites par le télétravail. Par exemple, le télétravail accroît la formalité. En effet, tu l’auras remarqué, lorsque les échanges informels autour de la machine à café n’ont plus lieu, il est nécessaire de formaliser entretiens et réunions. Les modes de fonctionnement propres à chaque entreprise impactent également cette question des process. Étonnamment, celles pour qui le télétravail est simple sont souvent les plus bureaucratiques, celles où le travail est le plus rythmé (réunions toujours planifiées, pas de pression immédiate des clients…), car visibilité et prévisibilité du fonctionnement de l’organisation facilitent le distanciel. Au contraire, dans les entreprises « agiles » au sein desquelles réunions et brainstormings spontanés sont nécessaires pour répondre aux demandes des clients, le télétravail est plus compliqué… Ce qui amène à introduire des procédures, donc à bureaucratiser le mode de fonctionnement.   


« L’ère des bureaucrates »

Ce sujet de la bureaucratisation et de la multiplication des procédures est celui du prochain ouvrage de François Dupuy (écrit à quatre mains), L’ère des bureaucrates. Il s’agira de comparer le management concret dans le secteur marchand et dans le secteur administratif. Car contrairement à l’idée selon laquelle le management public tente de se rapprocher du management privé, c’est en fait l’inverse qui se produit, avec un management privé qui se bureaucratise de plus en plus. De son côté, le New Public Management invite à un travail beaucoup plus coopératif et collectif dans les organisations administratives.

Pour les grandes entreprises, cette bureaucratie devient un frein au recrutement de jeunes talents, les processus fastidieux entraînant un manque d’attractivité. 

De quoi réfléchir sur la façon de faire cohabiter formalité et agilité pour progresser !

 

Le club lecture ‘Grow your mind’ est ouvert à tous les alumni : n’hésite pas à nous rejoindre pour échanger sur les lectures enrichissantes des uns et des autres. Tous les 2 mois, le club lecture vote pour un livre à lire et se réunit lors de séances pour en discuter, partager des idées, débattre… Rendez-vous prochainement pour d’autres rencontres et événements : pense à consulter régulièrement le calendrier de la communauté EDHEC Alumni.


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