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Laura Lesueur : "Il ne faut pas attendre de se sentir légitime pour oser, il faut oser pour devenir légitime."

Interviews

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06/03/2025

À l'occasion du 8 mars, Journée Internationale des Droits des Femmes, EDHEC Alumni donne la parole à Laura Lesueur (EDHEC Master 2013). Engagée pour le leadership féminin, elle encourage chacune à oser et à réaliser son potentiel et incite les femmes à passer de l'intention à l'action. Fondatrice du podcast Legend Ladies et du réseau The Circle, Laura est aussi conférencière et organisatrice d'événements. 

Reconnue pour son impact, elle a été classée parmi les “40 Femmes Forbes” en 2022 et nommée Top Voices 2022 par LinkedIn. Aujourd’hui, c’est avec toute la communauté EDHEC qu’elle partage ses convictions et ses conseils pour les femmes.


Tu as interviewé de nombreuses femmes inspirantes à travers ton podcast Legend Ladies. Quel est le trait commun entre toutes ces femmes ?

J’ai réalisé 245 épisodes et échangé avec des femmes aux trajectoires très diverses. Ce qui ressort, c’est qu’il n’existe pas un seul modèle de réussite. Chacune a suivi son propre chemin, avec ses ambitions et sa singularité. C’est un message essentiel à transmettre : chaque femme peut tracer sa propre voie sans avoir à se conformer à un modèle imposé.

Cependant, il y a un point commun qui revient systématiquement : aucune réussite ne se fait sans obstacles. Chaque femme que j’ai interviewée a dû faire face à des épreuves, qu’il s’agisse d’un échec à un concours, d’une entreprise qui n’a pas fonctionné, d’un licenciement ou d’un moment de doute profond. Mais avec du recul, ces difficultés se révèlent souvent être des étapes essentielles dans leur parcours. Se confronter à des échecs, c’est aussi le signe que l’on prend des risques, et c’est ainsi que l’on grandit.


Quelle est la plus grande force du leadership au féminin ?

Je pense que le leadership des femmes est plus polymorphe et plus puissant, car il repose davantage sur une recherche d’impact que sur la quête d’un statut. C’est quelque chose que Christel Heydemann, CEO d’Orange, m’a confié récemment : "Pour parler d'ambition, les femmes ont tendance à parler d'impact. Elles ne cherchent pas seulement à grimper les échelons, elles veulent faire bouger les lignes et générer un changement concret".

Cela ne veut pas dire qu’un modèle est meilleur que l’autre, mais qu’il faut plus de diversité dans nos représentations du leadership. Pour que le leadership féminin puisse s’exprimer, il est essentiel d’ouvrir le champ des possibles et de proposer des modèles variés auxquels chacune puisse s’identifier.


Quels sont, selon toi, les biais inconscients qui freinent la progression des femmes dans les entreprises ou l’entrepreneuriat ?

Il existe encore, malheureusement, une présomption d’incompétence qui pousse à questionner systématiquement la légitimité d’une femme en poste de leadership. On associe encore trop le leadership à des traits perçus comme masculins, alors qu’il existe mille façons d’être un bon leader. Plutôt que de juger sur des stéréotypes, il faut analyser les faits : a-t-elle déjà managé ? Atteint ses objectifs ? Maîtrise-t-elle son sujet ? Si oui, il ne devrait pas y avoir de débat.

Dans l’entrepreneuriat, c’est le manque de rôles modèles féminins qui alimente le syndrome de l’imposteur. Si une femme ne voit personne qui lui ressemble dans un domaine, elle aura plus de mal à s’y projeter.

Enfin, la maternité reste un frein majeur. Trop souvent, les entreprises considèrent qu’une mère est moins investie, alors que la parentalité devrait être une responsabilité partagée. En parallèle, beaucoup de femmes ressentent une culpabilité à jongler entre carrière et vie de famille, alors que cette pression pèse bien moins sur les hommes. Faire évoluer ces mentalités est essentiel pour un changement durable.


Que doivent faire les femmes pour dépasser ces freins ?

On nous apprend dès le plus jeune âge à plaire, à être au service des autres. C’est d’ailleurs pour ça que les femmes sont surreprésentées dans les métiers du soin, de l’éducation, du care… Pour s’en libérer, je vois 2 clés :

D’abord, accepter de déplaire. Ça peut paraître simple, mais c’est un vrai travail. Si tu arrives à être à l’aise avec le fait que tout le monde ne va pas toujours t’apprécier ou valider tes choix, alors tu vas apprendre à dire non plus facilement, à poser tes limites, à prendre des décisions qui sont bonnes pour toi sans culpabiliser. Si on te perçoit comme "égoïste", ce n’est pas grave. Ce qui compte, c’est que toi, tu sois alignée avec tes choix.

Ensuite, faire le deuil de la perfection. Il faut accepter que tu ne seras jamais parfaite, et ce n’est pas grave. Le progrès est plus important que la perfection. Si tu attends d’être parfaite avant d’oser, tu ne feras jamais rien. Alors autant y aller, tester, apprendre en avançant. Que ce soit dans ta carrière, ta vie personnelle ou ta maternité plus tard, tu vas faire des erreurs, mais c’est comme ça que tu progresseras. Ce changement de mindset, ça libère !


Comment encourager les femmes à affirmer et assumer leur leadership ?

Il y a deux éléments essentiels. D'abord, bien s’entourer. Si autour de toi, tu ne vois pas d’autres femmes qui osent s’affirmer, il est difficile de le faire toi-même. On fonctionne par mimétisme. Être dans un réseau où d’autres femmes prennent des initiatives, s’expriment et assument leurs ambitions, ça change tout. Ça donne de l’élan, ça motive et ça pousse à sortir de sa zone de confort. Et quand je parle de bien s’entourer, je ne parle pas forcément du cercle familial, mais plutôt d’un réseau extérieur, professionnel où tu peux échanger, apprendre et t’inspirer.

Le deuxième point, c’est faire attention à son langage. Je suis toujours étonnée d’entendre autant de femmes dire "je lance un petit projet", "j’ai une petite question", "j’ai eu la chance de…". Ce ne sont pas de petites choses, et ce n’est pas de la chance. C’est du travail, des efforts, des prises de risque. En minimisant les réussites, on alimente son propre syndrome de l’imposteur. Il faut s’affirmer, choisir ses mots avec conscience, assumer ses réussites et leur donner la valeur qu’elles méritent !


Quel est ton regard sur la Journée du 8 mars et comment pourrait-elle avoir un impact plus concret ?

C’est comme les quotas : on aimerait pouvoir s’en passer. Le vrai progrès sera atteint quand il n’y aura plus besoin d’un 8 mars, comme il n’existe pas de Journée des droits des hommes. Mais en attendant, cette date reste une opportunité de sensibilisation. Aujourd’hui, ce n’est plus juste une journée, mais tout un mois d’initiatives qui poussent à la réflexion et à l’action. Maintenant, il faut que ces efforts durent toute l’année !

Si je devais transformer le 8 mars en une action forte, ce ne serait pas une conférence ponctuelle, mais l’accès à un réseau. Offrir aux femmes la possibilité d’échanger, de créer des synergies, de sortir de leur quotidien professionnel pour prendre du recul et s’inspirer d’autres parcours, c’est là que se joue le vrai impact. Rien ne remplace le pouvoir des rencontres réelles.


As-tu une phrase ou une pensée à partager avec les diplômées et les étudiantes de l'EDHEC ?

Je pense tout de suite à l’une de mes phrases préférées : "Il ne faut pas attendre de se sentir légitime pour oser, il faut oser pour devenir légitime."

La légitimité, c’est un mélange de connaissances, mais surtout d’expérience. Et comment acquérir de l’expérience si tu n’oses pas ? C’est un cercle vicieux : si tu attends d’être parfaitement légitime avant de te lancer, tu risques de ne jamais sauter le pas. Alors que si tu oses, si tu tentes, tu acquiers peu à peu cette légitimité.

C’est vraiment un message que j’aimerais faire passer : ose, prends ta place, avance. La légitimité viendra avec l’action.

  • 8 mars
  • Femmes
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