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RESEARCH FOR BUSINESS : La sanctuarisation par le droit du contrôle familial par Christophe Roquilly dans les Echos

Career

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03.20.2012

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Le génie entrepreneurial des familles peut s'appuyer sur l'imagination des juristes pour sécuriser la pérennité du projet et la permanence d'une vision partagée. Les familles disposent d'une palette d'instruments juridiques pour garder la main sur la stratégie.

L'entreprise familiale recouvre des réalités hétérogènes, soit par la taille de l'entreprise et/ou de la famille, le mode de présence de la famille dans l'entreprise (patrimonial, implication personnelle en tant que salarié et/ou dirigeant), l'histoire de l'une ou de l'autre, ou encore le type d'entrepreneuriat. Selon que la famille exerce une fonction de direction ou non, est actionnaire minoritaire ou majoritaire (contrôle relatif ou absolu), peuvent être distinguées les entreprises familiales « ouvertes » des « professionnelles », les « contrôlées » des « déléguées », les « types » des « mandatées » (1). Nous allons ici nous limiter à un scénario. Une société est créée par une seule personne physique (ensuite rejointe par d'autres membres de sa famille) ou par plusieurs membres de la même famille. Le nombre de membres de la famille associés au sein de la société s'est éventuellement développé, augmentant ainsi la possibilité de divergences, même si les liens familiaux restent forts. La croissance a pu nécessiter l'appel à des investisseurs, dont les objectifs peuvent à terme ne plus être alignés avec ceux de la famille. Pour maintenir le cap, rester maître de la stratégie et conjuguer impératifs économiques et valeurs de la famille, celle-ci doit absolument détenir le contrôle de la société, c'est-à-dire être en mesure d'en nommer et d'en révoquer les dirigeants. Historiquement, l'exercice du contrôle renvoyait à une règle simple : la détention de plus de 50 % du capital social. L'évolution de l'économie et de l'intensité capitalistique des sociétés, de même que les changements successifs du droit français des sociétés, ont considérablement modifié l'expression du contrôle.

De la SA au montage complexe

La société anonyme (SA) reste une structure très utilisée pour accompagner la croissance, de par sa capacité à émettre des valeurs mobilières de nature variée et à entrer en cotation. En dissociant accès au capital et accès aux droits de vote, par le biais d'actions de préférence, la famille peut attirer les investisseurs tout en conservant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales. Il faut que les actionnaires extérieurs acceptent de se voir dénier toute possibilité d'accès au contrôle. Qui plus est, le nombre croissant d'actionnaires familiaux dont les divergences de vue pourraient faire exploser le contrôle requiert l'élaboration de pactes d'actionnaires. La société par actions simplifiée (SAS) est une « valeur montante » qui offre les mêmes opportunités que la SA. Les deux limites qu'elle rencontrera sont l'impossibilité de l'entrée en cotation et le risque d'une rédaction défaillante des statuts qui doivent relever de la « haute couture » et non du « prêt-à-porter ».

La société en commandite par actions (SCA) est une autre possibilité, mais peu utilisée (un peu moins de 650 en 2009), principalement eu égard à la complexité de son fonctionnement. Tout en ayant la possibilité d'appeler des capitaux extérieurs et de les récompenser par la remise d'actions, la SCA permet aux commandités, membres de la famille, de rester maîtres quant à la nomination de la gérance. Adoptée notamment par la famille Michelin, la SCA est une citadelle quasi imprenable sans l'accord de la famille, ce qui est dénoncé par certains investisseurs comme Wyser-Pratte, commanditaire du holding de la famille Lagardère et qui considère que le pouvoir détenu par les commandités empêche son intervention effective en assemblée générale. Enfin, lorsque la famille souhaite organiser juridiquement l'ensemble des contrôles dans diverses sociétés, et tout particulièrement lorsqu'elle mène une stratégie de diversification, le recours au holding familial est inévitable (2). On retrouve les trois formes juridiques : SA pour les familles Ricard et Peugeot, SAS pour la famille Bouygues et la famille Arnault, SCA pour la famille Pinault, et des montages plus complexes, comme les familles Mulliez avec une SCA, des sociétés civiles et une société en participation.

« Tenir en bride sa propre famille n'est pas moins difficile que de gouverner une province » (Tacite). Face à cette éventuelle difficulté, dont le risque d'apparition augmente avec le nombre d'actionnaires familiaux, les pactes d'actionnaires sont extrêmement fréquents. Souvent extérieurs aux statuts de la société familiale, ils expriment contractuellement la volonté d'éviter la perte de contrôle en recourant à des mécanismes juridiques, tels que les clauses d'agrément, les droits de préemption, de préférence ou de priorité, les clauses de retrait ou de sortie conjointe, les clauses « buy or sell »... Les familles doivent être conscientes des limi tes de ces instruments conventionnels. S'ils sont extérieurs aux statuts, ils ne sont pas opposables aux tiers de bonne foi, ce qui présente un risque en cas de duplicité d'un membre de la famille.

La confiance mutuelle

Par ailleurs, si la société est concernée par la réglementation boursière, les pactes d'actionnaires constitutifs d'une action de concert doivent être déclarés à l'Autorité des marchés financiers sous peine de sanctions, ce qui est difficilement compatible avec l'objectif de confidentialité inhérent à certains pactes. L'arrêt du 15 septembre 2011 de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire des actionnaires « de la famille Hermès » fait naître des inquiétudes (3). Faut-il considérer que tout pacte d'actionnaires entre les membres d'une même famille est nécessairement porteur d'une volonté d'exercer une politique commune vis-à-vis de la société ? Chacun sait que la confiance mutuelle est la clef d'une famille épanouie. Les mécanismes juridiques peuvent formaliser cette confiance mais ils échoueraient à vouloir la remplacer.

(1) Thierry Poulain-Rehm, « Qu'est-ce qu'une entreprise familiale ? Réflexions théoriques et prescriptions empiriques », « Revue des sciences de gestion », 2006, n° 3.(2) Lire Valérie Tandeau de Marsac, « Guide pratique des entreprises familiales », Eyrolles, Editions d'Organisation, 2011. (3) Jean-François Louit et Caroline Lan, « Le Concert, ami de la famille actionnaire ? », « Option Finance », 2011, n° 1145.

 

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