Back to news
Next article
Previous article

Interview avec François-Xavier Desplancke (BBA 1992), CEO de Belvedere Vodka

Interviews

-

04.08.2025

Sorry, this content is not available in English

La vodka est une histoire de longévité en Pologne – les premiers manuscrits en parlent dès le début du XVe siècle –, de la même manière que la carrière de plus de 25 ans de François-Xavier Desplancke (EDHEC International BBA 1992) dans les vins et spiritueux au sein du groupe LVMH. CEO de Belvedere Vodka depuis novembre 2021, il a contribué au lancement de Belvedere 10, reconnue meilleure vodka au monde par certains experts. Il présente son marché – constitué environ pour 1 tiers par les États-Unis, 1 tiers par l’Europe et 1 tiers par le reste du monde – et les défis qui lui incombent pour se différencier dans les techniques de fabrication, la promotion et la distribution de ses produits premium.

Comment résumerais-tu ton poste et tes responsabilités actuelles ?

Je suis un entrepreneur créatif et innovant dans un grand groupe. Je pense que mon métier est d’amener les consommateurs vers la marque Belvedere Vodka, de me l’approprier aussi, plutôt que de « juste » gérer des affaires. Moët Hennessy – NDLR, le M et le H d’LVMH – me laisse une grande autonomie de décision et de recommandation sur la direction et l’évolution de la marque, les investissements, le recrutement et le management. C’est comme cela qu’on arrive à vraiment changer les choses et à avancer, surtout avec de telles marques de luxe qui ont besoin de garder une certaine désirabilité, c’est-à-dire une certaine image. Je dis toujours qu’il y a ce qu’il y a dans la bouteille (la qualité) et ce qu’il y a en dehors (la désirabilité de la marque). Le curseur à mettre entre les deux est différent selon les marques. De façon générale, 90% des gens achètent un grand vin de Bordeaux ou de Bourgogne pour ce qu’il y a dans la bouteille et 10% pour ce que leur inspire le nom du domaine. On sera plutôt à 50/50 sur un whisky. Sur la vodka, on est plutôt sur 80% d’image.

Quel est quoi le point commun entre toutes les marques du vaste catalogue de vins et spiritueux du groupe LVMH ?

Ce sont l’héritage, l’artisanat, l’excellence et une désirabilité forte. Notre claim « From nature to communities » (« De la nature aux communautés ») concerne aussi bien le vin que le whisky, le cognac que le champagne : tout vient de nos sols. Nous avons une responsabilité forte sur nos programmes de durabilité car sans nature, il n’y a plus de marques. La maison Belvedere est aujourd’hui la seule distillerie en Europe à empreinte carbone nulle (grâce notamment à une installation biomasse, à des panneaux solaires, au recyclage de l’eau) et la seule marque mondiale avec une vodka 100% bio. Nous sommes très fiers de cette sustainability, même si nous ne communiquons pas forcément beaucoup dessus. Le bio est aussi une vraie différenciation pour nos consommateurs de demain, il montre la direction. Ce choix de notre part, que peu de nos concurrents entreprennent et qui ne change certes pas encore mondialement la donne sur le marché des spiritueux, nous demande un véritable investissement humain et financier avec nos fermes partenaires, et a un impact sur ce que nous faisons.

Qu’est-ce qui te plaît précisément dans ce secteur des spiritueux, où tu évolues depuis très longtemps ?

J’aime justement cette transmission, comme on peut l’avoir dans le monde culturel. Le champagne est par exemple un merveilleux monde d’héritage français, que je trouve passionnant de poursuivre, non seulement pour le produit en lui-même, mais également pour la transmission de métiers d’excellence et pour la culture française du luxe. La fabrication et l’artisanat constituent une force incroyable, qui permet à la France de rayonner à travers le monde. Dans le cognac ou dans le champagne, il faut être fier de tous les emplois et investissements créés en France, du rayonnement international et du fait d’attirer de nombreuses personnes en France, pour passer des vacances, déguster des produits magnifiques. Même si je m’occupe aujourd’hui d’une marque en Pologne, cette image positive de la France fait partie du groupe, et c’est ce qui me plaît.

Quelles sont les attentes des consommateurs vis-à-vis d'une marque de vodka ?

Je pense qu’ils recherchent en premier lieu une qualité optimale. Faire de la vodka est relativement facile, en faire une très bonne l’est beaucoup moins. Ensuite, il y a la fierté d’avoir et de servir une marque plutôt qu’une autre, le fait qu’on aime y être associé. 70% de la vodka dans le monde est vendue pour la consommation à la maison, et les pays anglophones – la grande majorité des consommateurs de vodka – la consomment généralement en cocktail. 2 des 3 cocktails les plus vendus dans le monde – Margarita, Vodka Martini et Espresso Martini – contiennent de la vodka. Plus le cocktail est simple, plus les ingrédients sont importants. Avec Belvedere 10, la première vodka de luxe, que j’ai créée il y a 2 ans, je voulais élever la catégorie vodka à un autre niveau de perception. Nous avons beaucoup travaillé sur les ingrédients (au-delà des 80% d’image, représentés par une bouteille vraiment singulière) en puisant dans l’histoire de la marque. Nous avons identifié un seigle très puissant et poivré, qu’on appelle « de diamant », d’où les facettes sur la bouteille. La distillerie de Belvedere Vodka (qui date de 1910) se trouve à Żyrardów, en Pologne. Nous avons repris une recette de l’époque et l’avons adaptée avec la technologie d’aujourd’hui. C’est aussi comme cela qu’on peut se différencier dans l’immense choix qu’a le consommateur.

Belvedere a choisi le comédien Daniel Craig et le rappeur Future comme visages de la marque. Comment s’est déroulée la réflexion ?

Quand on m’a donné la mission il y a 3 ans de reprendre cette marque, je voulais qu’elle puisse parler au plus grand nombre, tout en restant dans un esprit « Always first, always unexpected », inédit et inattendu. Je suis fan de James Bond et de Daniel Craig. On sait que James Bond boit de la Vodka Martini ; j’ai cherché ce que buvait Daniel Craig chez lui. Coïncidence : il boit de la Belvedere ! Le spot publicitaire démarre comme un James Bond, mais s’en éloigne radicalement ensuite : le plus important est de rester soi-même et de montrer sa générosité, qu’on n’a besoin d’aucun artifice. Ce côté insolite se retrouve avec le costume blanc de cowboy de Future, dans le spot de Belvedere 10. Le bartender face à lui est Taika Waititi, le cinéaste qui a réalisé les deux campagnes de pubs. Nous essayons de ne pas trop nous prendre au sérieux. Ces deux personnages extrêmement différents montrent une image swagger, de gens qui en imposent naturellement. C’est cette dualité permanente qui fait vraiment rejoindre désirabilité et émotion pour nos consommateurs.

Les restrictions juridiques liées à la promotion de l’alcool font-elles naître une nouvelle forme de créativité ? 

La vision et la stratégie de la marque sont les mêmes partout dans le monde, mais l’adaptation de la stratégie est en effet distincte dans chaque pays, selon la législation. Ce qui diffère, c’est la façon de transmettre les messages aux consommateurs. Actuellement, le plus gros marché mondial sur la vodka premium reste les États-Unis, où il y a moins de restrictions juridiques. Il est possible de faire de grandes campagnes de communication, notamment de l’affichage en 4 par 3. En France, la communication est très astreinte sur l’alcool en raison de la loi Evin, on ne peut montrer éventuellement guère plus qu’une bouteille. Certains événements chez nos clients permettent de faire connaître la marque. Nous fonctionnons aussi beaucoup par prescription, avec des cavistes – on fait généralement confiance à son caviste et on sait qu’il va conseiller la bonne bouteille au bon prix –, des mixologistes dans des bars branchés et des restaurants, des bartenders, par des dégustations lors d’événements, ainsi que par l’enseignement de connaissances. Ce sont des ambassadeurs de la marque.


Comments0

Please log in to see or add a comment

Suggested Articles

Interviews

Donor of the Month, Julien Godinger, EDHEC 2000, Silver Circle Donor

profile photo of a member

ERWAN ROUXEL

March 27

1

Interviews

À 22 ans, Romane Le Priol reprend l’entreprise de son grand-père et trace son propre chemin

profile photo of a member

CAROLINE DE LONGVILLIERS

March 11

Interviews

Laura Lesueur: “You shouldn’t wait until you feel legitimate to dare , you have to dare in order to become legitimate.”

profile photo of a member

CAROLINE DE LONGVILLIERS

March 06