Arnaud Brel (EDHEC BBA 1995), General Manager de Hill’s Pet Nutrition Italie
Les animaux de compagnie – et plus particulièrement les chiens et les chats – font partie intégrante du quotidien d’Arnaud Brel (EDHEC International BBA 1995), en poste depuis 25 ans chez Hill’s Pet Nutrition, filiale de Colgate-Palmolive. Au cours de sa carrière internationale dans le secteur du Pet Food, il a évolué dans 7 destinations et géré 31 pays. Tout juste arrivé en Italie en qualité de General Manager de la filiale locale, il dresse le portrait d’un secteur méconnu et très porté sur la science et l’humanité.
Comment résumerais-tu ton poste et tes responsabilités actuelles ?
Je suis General Manager de Hill’s Pet Nutrition Italie depuis juillet. Mon rôle est de développer la présence de nos marques auprès des propriétaires de chiens et de chats et des vétérinaires en Italie. Notre particularité est d’évoluer sur un marché premium de la nutrition avec des gammes de produits thérapeutiques pour lesquelles la recommandation des vétérinaires est nécessaire. Nous avons également développé des gammes de nourriture à but préventif. Nos marques sont disponibles dans les cliniques vétérinaires, les magasins et plateformes d’e-commerce spécialisés.
D’où vient notre besoin d’avoir des animaux de compagnie ?
Je pense que les animaux enrichissent notre vie. Par leur chaleur, leur présence, ils comblent notre besoin de connexions, de relations, surtout dans une société de plus en plus urbanisée et connectée. Nous avons dépassé selon moi l’ « animal », nous pourrions plutôt parler de « compagnon », traduction la plus proche du terme anglo-saxon « pet ».
Les facteurs démographiques tels que la baisse de natalité et l’allongement de la durée de vie jouent un rôle important. C’est l’une des rares industries, avec celles liées aux enfants, où l’émotionnel joue un rôle central. Il y a peut-être aussi un transfert dans notre vie actuelle : on a des enfants de plus en plus tard, et on compense ce manque avec des animaux. Environ 65% de propriétaires d’animaux de compagnie considèrent leur chien ou chat comme un membre à part entière de la famille, voire comme un enfant.
L’une des conséquences les plus importantes dans notre marché est l’ « humanisation » des chiens et des chats. Elle se traduit par la demande de nouveaux services et des exigences supplémentaires sur les aliments de la part des propriétaires. Certaines cliniques vétérinaires sont aujourd’hui pourvues de matériel d’échographie, de scanners ainsi que de laboratoires sanguins. Très récemment, la première transplantation de hanche a été réalisée sur un chien à Dubaï. En Australie, un restaurant exclusivement pour chiens vient d’ouvrir. Les Cat Cafés apparaissent dans tous les pays. En Italie, les gens emmènent leurs animaux partout quand ils sortent, y compris au restaurant. On ne voyait pas cela il y a cinq ans.
Le secteur a donc eu une croissance continue, y compris pendant les périodes de crises, comme en 2008 et plus récemment lors du Covid 19.
On dit souvent que les animaux et leurs maîtres se ressemblent. Est-ce aussi le cas pour l’alimentation ?
Oui, des parallèles peuvent se faire. À titre d’exemple, selon l’Organisation mondiale de la Santé, près de 2 milliards d’humains souffrent aujourd’hui d'obésité. Et l’obésité est aussi l’un des principaux problèmes auxquels sont exposés les animaux de compagnie. Plus de 50 % ont atteint un réel niveau de surpoids, ce qui a des conséquences sur leur longévité.
Mais il y a une différence majeure dans nos modes d’alimentation. Avec l’alimentation premium ou thérapeutique, un chien ou un chat peut manger la même nourriture deux ou trois fois par jour pendant des années, sans se lasser. On peut donc atteindre une forme d’équilibre nutritionnel. Cela dépasse ce qu’on est à même de faire en tant qu’humains car nous cherchons toujours à varier les menus.
Comment trouver le juste milieu entre le plaisir du compagnon et les besoins du maître ?
C'est un axe de travail très important. On peut tout à fait développer le meilleur profil nutritionnel pour un chien ou un chat, mais si le produit reste dans la gamelle, l’objectif n'est pas atteint ! Contrairement aux humains, les animaux ne vont pas se forcer à manger quelque chose qu’ils n’aiment pas, même si c’est pour leur bien. La junk food existe aussi dans le Pet Food. Le sel, les graisses et les arômes artificiels peuvent être utilisés à tort pour augmenter la consommation. Évidemment, ce n'est pas notre philosophie, donc il faut travailler avec une sélection précise d'ingrédients hauts de gamme et d'arômes naturels, ainsi que des technologies de production pour maximiser l'appétence tout en respectant un équilibre nutritionnel optimal. C'est très important pour contrer les excès qui pourraient causer certaines pathologies et nécessiter une transition vers des aliments diététiques sur le long terme.
Les animaux étant plus sensibles au goût que les humains, l’industrie doit-elle sans cesse créer des recettes pleines de saveurs ?
Oui, l’innovation est permanente mais autant pour répondre aux attentes des propriétaires que celles de leur compagnon. Il y a des différences culturelles dans la manière de les nourrir. L’Italie a une culture très forte de l’alimentation et de l’ingrédient. La communication est très axée là-dessus, avec des ingrédients exclusifs tels que le canard ou le sanglier. En Italie, l’alimentation « humide » – les boîtes et sachets fraîcheur – a l’un des taux de pénétration les plus importants car elle ressemble davantage à une nourriture humaine.
Le travail se fait aujourd’hui à la fois sur l’appétence et l'apparence. Il est devenu important que le produit ait l'air bon quand le propriétaire découvre l’aliment, et que ce produit inspire confiance par son niveau de qualité. Il doit y avoir à la fois une validation visuelle de l'aliment par le propriétaire, et la validation du chien et du chat une fois sa gamelle vidée.
Tu as travaillé dans différentes filiales de Hill’s Pet Nutrition. Comment appréhendes-tu chaque nouveau poste ?
Il y a un processus de développement personnel après 25 années dans cette industrie et dans cette entreprise. J'ai eu l'opportunité d'évoluer à travers 9 postes dans 7 pays différents, donc c'est un capital que je développe et emporte à chaque nouveau rôle. Quand j'arrive dans un nouveau pays, ma priorité est de tout de suite passer du temps sur le terrain et d'être au contact des mes équipes, des clients et des consommateurs. Depuis que je suis en Italie, j'ai passé plus d'un mois à visiter des cliniques vétérinaires, des magasins et des centres d'adoption, afin d’assimiler la culture locale. Cela me permet ensuite d’impliquer les équipes sur une feuille de route développée ensemble. Et enfin, il y a la phase d’alignement des ressources avec cette stratégie, avec l’évolution des rôles et responsabilités au sein des équipes, et la priorisation des investissements. J’ai à chaque fois l’avantage d'arriver avec une expérience et un œil extérieurs. J'apporte une nouvelle vision à des équipes qui ont évolué dans ce marché depuis des années.
Je pense qu'il faut aussi s’immerger dans la culture à titre personnel. Aux États-Unis, mes deux filles se sont mises à jouer au soccer, et je suis même devenu l’entraîneur de l’équipe ! J’ai ainsi pu comprendre beaucoup plus rapidement la culture américaine. J’ai eu aussi l’opportunité d’être dans le conseil d’administration d’un refuge local, ce qui m’a permis d’être par la suite connecté avec les différents acteurs de l’industrie. L’expérience internationale demande des sacrifices. Je vois beaucoup moins mes proches, mais une fois quelque part, j’explore avec ma famille. Nous faisons des road trips pour connaître des choses uniques et nous sentir connectés avec le pays et les équipes, c’est ma philosophie professionnelle et personnelle.
Dans les pays non-anglophones, quelle langue parles-tu ?
Je fais l'effort d'apprendre la langue locale. Quand je suis arrivé au Benelux je ne parlais pas le néerlandais, alors que j'étais dans une fonction commerciale. Au bout d'un an, j'étais capable de communiquer en néerlandais avec mes équipes et avec les clients. En Russie, j'ai fait un énorme investissement personnel pour apprendre la langue. L’expérience était plus courte, mais pouvoir démarrer une réunion d’équipe en russe démontrait à l'équipe mon investissement et le fait que je ne venais pas en mercenaire ou avec une vision court-termiste. Les traducteurs instantanés ne remplaceront jamais la pause-café et les conversations informelles. J'ai eu la chance d'apprendre l'italien lors de ma coopération il y a 25 ans et je remarque que j’ai gagné beaucoup de temps sur mon nouveau poste à Rome en étant capable de communiquer tout de suite avec mes interlocuteurs.
Quels ont été les facteurs déclencheurs de ta carrière internationale ?
Je dirais mon échange Erasmus d’un an au Royaume-Uni à la Sheffield Hallam University, où je me suis senti vraiment épanoui. L’expérience et l’ouverture internationales, la compréhension des autres et des cultures, sont encore plus nécessaires aujourd’hui qu’il y a 25 ans. L’autre grande valeur ajoutée de l’EDHEC International BBA était la possibilité de faire des stages tous les ans. J’ai pu tester différentes industries et définir ce qui me plaisait le plus, là où je me voyais me développer professionnellement sur le long terme. Le développement du réseau est sous-estimé, mais c’est pourtant une compétence très importante dans la carrière professionnelle, et c’est ce qui m’a permis d’arriver où je suis. Par le biais de mon stage de deuxième année, je suis aujourd’hui chez Hill’s Pet Nutrition. J’ai fait ma coopération en Italie également grâce à un stage que j’avais fait dans la sidérurgie en dernière année. Et cette expérience me sert 25 ans plus tard.
Il m’est arrivé aussi de dire non à certaines opportunités. Quand j’étais dans le Kansas, au siège, on m’avait proposé un autre poste dans une destination prisée. J’ai décliné l’offre car le projet ne correspondait pas à mes objectifs professionnels et familiaux. J’ai pris un risque, et juste après est venue une opportunité de General Manager pour l’Europe Centrale et le Moyen-Orient basé à Prague. Il faut vraiment avoir une vision, prendre les opportunités qui viennent, tout en laissant passer certaines quand on ne les sent pas. Car si on ne les sent pas, on ne performera pas.
Comment se manifeste la responsabilité sociétale dans le secteur du Pet Food ?
La sustainability me passionne, c’est un point clé de notre industrie. Il y a la sustainability « traditionnelle » concernant la logistique et les ingrédients, mais il y a aussi l’adoption des chats et des chiens. Des refuges accueillent les chiens et les chats dont les propriétaires ne peuvent plus s’occuper, soit à cause d’accidents de la vie, soit par manque de moyens. Il faut arrêter la surproduction de chiots dans les puppy mills, qui soulèvent de vrais problèmes éthiques, notamment dans la manière dont les chiens sont traités. Et il faut également diminuer la surconsommation de chiots, alors que des milliers d’entre eux, en bonne santé, sont dans des refuges et prêts à partager les joies de nouveaux propriétaires. Aux États-Unis, la majorité des nouvelles acquisitions des chiens et des chats se fait désormais par les refuges – mes trois chiens viennent d’ailleurs de refuges –, mais ce n’est pas encore le cas en Europe. J’espère que les mentalités vont continuer à changer. Nous travaillons en ce sens avec le programme « Nourrir, accueillir, aimer » (Food, Shelter & Love), que j’ai développé quand j’étais aux États-Unis. Avec ce programme devenu global, nous aidons les refuges en nourrissant chaque jour plus de 100 000 chiens et chats et en promouvant l’adoption. C’est un programme et une mission qui me motivent tous les jours de par son impact sur nos compagnons et notre société !
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