Rencontre avec Monseigneur Étienne Guillet (Master 1999), évêque de Saint-Denis (93)
Diplômé de l'EDHEC en 1999, Étienne Guillet a suivi un parcours hors du commun. Après un début de carrière prometteur, il a choisi la voie du sacerdoce. Ordonné prêtre en 2006, il a exercé dans plusieurs paroisses du diocèse de Versailles, avant d’être nommé évêque de Saint-Denis en septembre dernier.
Présent tout au long du week-end de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Monseigneur Guillet nous parle de son parcours et revient, avec émotion, sur cet événement historique, entre spiritualité et devoir de mémoire.
Racontez-moi votre parcours…
Après deux ans de prépa, j’ai intégré l’EDHEC. J’ai passé trois belles années à Lille, ce fut une période joyeuse et marquante de ma vie et j’ai d’ailleurs gardé contact avec de nombreux camarades de promo. Ensuite, j’ai effectué mon service national, encore obligatoire à l’époque. J’ai choisi la coopération et suis parti pour Bangkok, où j’ai travaillé pendant deux ans à l’ambassade de France et avec une congrégation catholique, les Missions Étrangères de Paris. C’était une expérience passionnante : apprendre la langue, vivre en immersion, et découvrir une culture si différente.
À mon retour en France, plusieurs chemins s’offraient à moi. J’aurais pu retourner chez Sodexo où j’avais effectué mon stage de fin d’études, une proposition de CDI m’attendait. Je me suis aussi posé la question d’une carrière dans l’administration pénitentiaire, en passant le concours pour devenir directeur de prison. Mais il y avait autre chose, une idée persistante, une intuition qui m’habitait depuis longtemps : devenir prêtre. J’ai pris le temps de mûrir cette décision, de prier, de réfléchir. Finalement, j’ai proposé ma candidature à l’évêque de Versailles pour entrer au séminaire.
Depuis quand aviez-vous en tête de devenir prêtre ?
Je pense que j’ai toujours eu ça en moi. C’est une idée qui a fait des allers-retours dans mon esprit. D’ailleurs, après avoir partagé cette décision avec ma famille, mes parents en ont parlé, par hasard, à mon ancienne institutrice de CM1, qui a été très émue. Elle s’est souvenue que déjà dans sa classe, j’avais dit que je voulais devenir prêtre. Cela l’avait marqué, et pourtant elle n’était pas du tout pratiquante. Je me souviens aussi très bien d’une soirée, quand j’étais encore étudiant à l’EDHEC, où je marchais dans les rues de Lille, en me demandant : Est-ce que c’est une idée sérieuse ? Est-ce que c’est vraiment la bonne voie ?
Ces questionnements m’ont accompagné longtemps, mais finalement, ils ont trouvé leur réponse.
Vous avez été le curé de Trappes pendant 9 ans, qu'est-ce que vous retenez de cette expérience ?
Trappes est une ville unique, riche de sa diversité et de ses défis. Être curé dans cette paroisse, c’était aussi être un témoin et un artisan du dialogue entre les communautés. À Trappes, chrétiens et non-chrétiens cohabitent dans un environnement multiculturel, et j’ai souvent ressenti combien la fraternité et la bienveillance pouvaient surmonter les différences.
Ce que je retiens surtout, ce sont les relations humaines profondément marquantes. Je me souviens d’amitiés sincères nouées avec des personnes d'autres confessions, des musulmans notamment, qui m’ont appris autant que je leur ai apporté. Dans cette ville, la foi se vit aussi dans l’altérité et le respect mutuel.
Je n’oublierai pas les jeunes de Trappes, souvent confrontés à des défis sociaux importants. Leur énergie, leur soif de sens et leurs questions m’ont interpellé et inspiré. C’est aussi pour eux que j’ai voulu être un curé présent et accessible, car ils incarnent l’avenir de notre société.
Trappes m’a appris que la mission du prêtre ne se limite pas aux murs de l’église, mais qu’elle s’étend à la rencontre, au partage, et à l’effort constant pour bâtir des ponts dans une humanité parfois fragmentée.
Comment devient-on évêque ?
Honnêtement, c’est un mystère, car on ne candidate pas, on ne fait pas campagne. Et puis, un jour, il y a ce coup de fil qui arrive, sans prévenir. Pour moi, c’était le 17 septembre de cette année. L’ambassadeur du Vatican à Paris m’a envoyé un SMS, me demandant de venir le voir le lendemain à 17 heures. Je ne savais pas du tout pourquoi. Et lorsque je suis arrivé, il m’a annoncé que le Pape m’avait nommé évêque de Saint-Denis la veille. C’est ainsi que j’ai appris ma nomination pour le diocèse de Saint-Denis, diocèse dont le périmètre correspond à celui du département de Seine-Saint-Denis (93).
Vous étiez présent lors des célébrations pour la réouverture de Notre Dame de Paris, racontez-nous ce que vous avez ressenti.
C’était incroyable, vraiment. J’ai pu tout voir de très près, cette cathédrale absolument magnifique, un joyau que nous a légué le Moyen Âge et des siècles de foi. J’étais content que le président de la République rappelle que ce lieu n’est pas seulement un symbole religieux, mais aussi le théâtre de nombreux moments essentiels de l’histoire de la France, depuis le Moyen Âge jusqu’à des événements plus récents comme la Libération de Paris. C’est un lieu qui porte en lui l’histoire des chrétiens, mais bien plus encore : il raconte l’histoire de notre nation. Et aujourd’hui, après une restauration menée en seulement cinq ans, la cathédrale est resplendissante, lumineuse.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’émotion qui régnait. La prière semblait presque naturelle dans ce lieu. Il suffisait d’ouvrir les yeux pour ressentir une grande communion. Les pompiers qui avaient sauvé Notre-Dame étaient là, applaudis chaleureusement, tout comme les artisans et artistes qui ont travaillé sans relâche à sa restauration. Beaucoup avaient les larmes aux yeux !
Et puis quel rassemblement inédit ! Des présidents, des chefs d’État, des têtes couronnées, des gouvernements, mais aussi des personnes de la rue, et des personnes en situation de handicap, tous réunis sous la même voûte. J’ai été frappé par cette humanité diverse, fragile, mais rassemblée, priant ensemble. Pour moi, ce n’était pas un événement mondain, loin de là. Pendant ces 48 heures, il y avait une sorte de temps suspendu.
Je crois que la réouverture de Notre Dame de Paris a touché tant de Français, et des millions de personnes à travers le monde, parce qu’elle rappelle que l’homme ne peut se résumer à la consommation ou au superficiel. Il y a en chacun de nous une soif de sens, de paix et de beauté. Et Notre-Dame, par sa splendeur et son histoire, répond à ça. Elle traverse le temps, elle réunit les gens. C’est un lieu qui élève l’âme.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux alumni de l’EDHEC ?
J’aimerais transmettre un message simple. Quand on sort de l’EDHEC, nous sommes souvent appelés à exercer des responsabilités, qu’elles soient économiques, politiques ou dans des administrations. Mais la responsabilité, je crois profondément qu’elle est avant tout un service. C’est cela qui comble le cœur de l’homme : servir le bien commun.
À mes yeux, ce ne sera pas le montant de notre compte en banque qui, à la fin de notre vie, nous rendra véritablement heureux. Ce qui nous comblera, c’est la qualité des relations que nous aurons tissées, notre engagement pour le bien de tous, et en particulier pour celui des plus fragiles. Je crois que, dès le début d’une carrière, il est essentiel de cultiver ces relations humaines, car elles ont bien plus de valeur que n’importe quel salaire. Elles sont la véritable richesse, la plus durable.
En ce moment, je m’apprête à devenir évêque d’un diocèse unique, marqué par l’histoire et les défis du présent : le diocèse de Saint-Denis, une terre où reposent presque tous les rois de France. Ce territoire porte aussi une certaine fragilité, mais c’est justement dans cette fragilité que réside un immense potentiel. Et finalement, face à des défis, nous avons deux choix : abandonner ou relever le défi de l’espérance et de la fraternité.
Chacun de nous a son propre chemin, sa propre aventure. Mais tous, nous avons l’opportunité d’être au service des autres et, en particulier, des plus vulnérables. C’est cela, je crois, qui remplit véritablement nos cœurs d’hommes et de femmes.
Ainsi, je souhaite une belle année d'engagement et de service à tous les Alumni de l'Edhec !
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