Les écoles essaient de s'adapter aux évolutions du marché
Nathalie Jacquet, directrice des relations extérieures de Reims Management School, le reconnaît volontiers : " Malgré les efforts engagés pour leur ouvrir les yeux sur le marché de l'emploi, les jeunes diplômés ont des difficultés à remiser leur rêve de départ, souvent nourri par des clichés. Nous avons une responsabilité à travers les enseignements dispensés : nous faisons la part belle au marketing grande consommation, par exemple, et sans doute pas assez de place à la négociation commerciale. Mais nous adaptons le cursus en renforçant les liens avec les entreprises. Les chaires Auchan et Crédit agricole ont été récemment créées pour développer des enseignements de qualité sur le management de la distribution et les métiers de la banque de réseaux, deux secteurs qui recrutent. »
Gérer le portefeuille des " majeures » - les options de dernière année - en phase avec les besoins du marché, c'est aussi le credo de Laurent Hua, directeur de l'ESC Rouen : " A côté de la spécialité Finance de marché, nous avons mis en place en 2004 une option Finance/Banque afin d'inciter les futurs diplômés à se tourner vers les métiers du réseau bancaire, puisque la carrière de trader n'est plus très facile d'accès. Certes, seulement six étudiants l'ont choisie l'an dernier, mais ils sont dix-huit cette année. »
A l'Esigelec, une école d'ingénieurs de Rouen, un comité de pilotage comprenant des représentants des entreprises a été instauré à la rentrée 2004. Il se tient trois fois par an, avec, au programme : état des lieux du marché de l'emploi, projections sur les besoins en compétences à court et moyen termes, adaptation des enseignements. Du côté de l'Ecole centrale de Paris, les huit options correspondant à des secteurs d'activité (génie industriel, informatique et télécoms, mécanique...) ont été complétées il y a trois ans par cinq filières conduisant à des familles de métiers (management de production, conception et recherche, logistique...) : " Ce choix à deux niveaux conduit les étudiants à affiner davantage leur projet professionnel, estime Patrick Obertelli, directeur du département sciences sociales. La direction régule l'accès aux options et aux filières en fonction notamment des débouchés. Un nombre maximum d'étudiants est fixé, et ceux-ci sont sélectionnés sur leurs résultats et leur motivation. »
En sus de l'adaptation plus ou moins réactive des enseignements, les écoles tentent d'affiner aujourd'hui les initiatives conçues pour aider l'étudiant à bâtir un projet professionnel. Elles font de plus en plus appel à des intervenants extérieurs - consultants des cabinets de recrutement, responsables de ressources humaines, psychologues, spécialistes du bilan de compétences, de l'accompagnement de carrière, de l'orientation. " Notre équipe, constituée de vingt personnes, anime des ateliers et des entretiens individuels, indique Jean-Paul Bourgeois, directeur des études de l'Ecole des mines de Nantes. Cette année, nous avons recentré notre programme d'accompagnement des étudiants sur la connaissance de soi et la motivation. Il faut leur donner les moyens de se construire afin de faire des choix pertinents. » Très en vogue les rencontres avec les anciens de l'école en poste, dont la parole est toujours moins suspecte que celle de l'encadrement de l'école ou des communicants de l'entreprise.
Si ces initiatives se font la plupart du temps sur le mode de la persuasion douce et éclairée ou sur la base du volontariat, quelques établissements en viennent à poser des contraintes. C'est le cas à l'IAE (Institut d'administration des entreprises) de Caen-Basse Normandie : " Depuis deux ans, les vingt heures d'atelier sur le projet professionnel, pendant lesquelles les étudiants travaillent sur l'image des métiers et la représentation de soi, sont obligatoires et font l'objet d'une évaluation qui compte dans l'obtention du diplôme », relate Daniel Pémartin, maître de conférences associé.
A Sup de co Montpellier, les stages de 2e et de 3e année ne reçoivent un feu vert que si leur contenu est en phase avec le marché du travail : " Nous ne validons un stage en communication que s'il propose d'autres apprentissages à côté, comme la négociation de contrats, ce qui va donner à l'élève une expérience commerciale sur laquelle il pourra rebondir ensuite », raconte Christian Schuliar, chargé des relations avec les entreprises.
Selon Manuelle Malot, directrice Carrières & Prospective de l'Edhec, les employeurs portent aussi leur part de responsabilité : " La rédaction des annonces pour des postes de commerciaux bac + 2 à bac + 5 produit un effet très négatif ; elle dévalorise le métier aux yeux des jeunes diplômés. D'autre part, les entreprises continuent d'offrir moult stages longs sur des fonctions qui ne recrutent pas, comme le marketing, ce qui entretient l'illusion chez les étudiants. Nous essayons de travailler avec les directeurs des ressources humaines sur une meilleure adéquation entre les offres de stages et d'emplois. » Bref, à chacun de balayer devant sa porte... sachant qu'après trois ou quatre mois de galère à chercher en vain le poste rêvé le principe de réalité rattrape les jeunes diplômés qui, bon gré, mal gré, se dirigent vers les emplois disponibles.
Nathalie Quéruel Le Monde Economie, mardi 27 septembre 2005, p. 7

Comments0
Please log in to see or add a comment
Suggested Articles