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Xavier Mufraggi (EDHEC Master 1999), CEO de YPO, partage les secrets de réussite de ce réseau pas comme les autres

Interviews

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15/03/2021

Après avoir mené une carrière fulgurante de près de 16 ans au Club Med, Xavier Mufraggi (EDHEC Master 1999) est devenu CEO de YPO (Young Presidents’ Organization) en décembre dernier. Cette organisation rassemble 30 000 dirigeants et dirigeantes dans 142 pays, 700 salariés dans l’équipe administrative, pour un budget de fonctionnement de 500 millions de dollars. Point de vue sur la création d’engagement au sein d’un réseau…                                              

Quelles sont tes responsabilités actuelles chez YPO ?

Je dois m’assurer que YPO continue à vivre dans l’avenir. On travaille notamment sur la transformation digitale, mais également sur les enjeux majeurs que sont la diversité et la mixité au sein du réseau. On organise pour les membres près de 4000 événements virtuels ou en présentiel sur des sujets variés : business, famille, développement personnel… Il y a une cinquantaine de communautés digitales, qui couvrent à la fois des thématiques personnelles ou professionnelles. On a aussi des partenariats avec différentes universités dans le monde, comme Harvard University, Massachusetts Institute of Technology, l’INSEAD, la London School of Economics, ou Singularity (université spécialisée dans l’innovation).

Quelle est la force de ce réseau ?

Environ 10% de nos membres donnent 25% de leur temps. L’organisation leur a donné beaucoup donc ils souhaitent redonner du temps aux autres membres. Ils passent parfois plusieurs journées à monter des événements pour YPO. C’est vraiment très précieux, et cela permet d’avoir des événements assez exceptionnels parce que ces gens-là connaissent des gens exceptionnels. À chaque fois qu’on organise un événement, les membres se retrouvent ensemble ou viennent avec leurs équipes de direction pour passer de l’idée à l’action. Cette méthodologie de coaching entre membres est essentielle, car elle fait grandir.

Quels sont les thèmes vers lesquels YPO se tourne ? 

Les membres sont impliqués à chaque étape, il faut plutôt voir ça comme une fédération. Ce n’est pas moi, à Dallas ou dans l’avion, qui vais décider des thèmes de l’année prochaine. Les membres montent eux-mêmes leurs événements. Certains thèmes reviennent régulièrement et gagnent en importance avec le contexte actuel : les sujets d’impact, le développement personnel, le basculement d’un leadership pyramidal à une logique d’accompagnement des équipes… Lorsqu’on a des sujets majeurs qui ressortent, on va essayer de trouver les meilleurs intervenants ou LA personne, celle qui a fait un discours absolument exceptionnel, comme la poétesse Amanda Gorman à l’investiture de Joe Biden, ou Michelle Obama.

Quelles sont les particularités du modèle de recrutement chez YPO ? 

YPO cible vraiment les chairmen et les CEOs, qui représentent 80% de nos membres. 10 à 20% sont dirigeants de business units. C’était mon cas quand je dirigeais, pour le Club Med, une entité d’un milliard de chiffre d’affaires, et 3 000 employés. On a plusieurs critères : un minimum de 10 millions de chiffre d’affaires et 50 employés (pour les personnes en entreprise). Pour les entrepreneurs, les règles sont légèrement différentes. La personnalité du futur membre est aussi un critère. « Gros égo, s’abstenir ». Les gens qui n’entrent que pour faire du business vont être très déçus car on ne peut pas solliciter du business les uns envers les autres. On accepte des personnes qui sont dans l’écoute et qui veulent progresser parce que c’est ce que l’organisation va leur apporter.

On fonctionne aussi par cooptation. Les dirigeants proposent des personnes sur une plateforme digitale qui peut évaluer des propositions en moins de 24 heures à partir des valeurs de l’organisation. Elles ont ensuite un entretien avec des membres impliqués. C’est une façon de voir si les candidats sont motivés. YPO ne cherche ni à grandir, ni à faire du profit.

Comment fédérer la communauté et faire en sorte que les membres s’engagent ? 

Il y a deux éléments dans le processus : le recrutement de membres qui partagent tous les mêmes valeurs, et notre méthode de coaching. On forme l’ensemble des nouveaux membres (et souvent leur conjoint.e, voire leurs enfants, dans une version un peu simplifiée), pendant un jour et demi. On leur explique certaines règles et usages dans la communication. On fait cela régulièrement avec tous nos membres pour qu’on ait un langage commun. On est vraiment dans le partage d’expérience bienveillant. Lorsque 8 dirigeants d’horizons différents ont vécu une situation similaire et sont capables d’expliquer ce qu’ils ont fait, c’est très puissant. La personne qui a émis son problème ne sent plus de stress ou de tabou.

Y-a-t-il un équivalent de YPO en France ou en Europe ? 

La méthode, pragmatique et directe, est plutôt anglo-saxonne, d’autant que tout a commencé en anglais. Maintenant, il existe des communautés en langues étrangères mais il n’y a pas d’équivalent, même dans l’Europe tout entière. En général, les organisations sont spécialisées par métier et sont souvent très locales. Lorsqu’on est dans du « multi-métiers », ce sont plutôt des organisations comme le MEDEF qui sont des sortes de lobbies, alors que YPO prend très peu la parole. Le meilleur exemple que je trouve en France, c’est l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance), car il recrute des sportifs de haut niveau sans se cantonner à un seul sport. Lorsqu’on met des sportifs d’une même discipline ensemble, ils deviennent concurrents. Or le coach mental du tennisman peut aider le judoka. D’ailleurs, les CEOs sont souvent des athlètes de haut niveau, on sait que la performance est dans le détail.

Est-ce important de profiter de la diversité des profils ? 

C’est ici que YPO me correspond complètement. J’ai toujours été passionné par les challenges qu’avaient d’autres dirigeants dans des métiers complètement différents. On a pas mal de rendez-vous, mais on se réunit à 8 tous les mois pendant 3 heures. Quand j’étais membre de YPO, j’ai beaucoup appris d’une personne qui gérait 300 franchises de pizza aux États-Unis et d’une autre qui vendait des climatiseurs pour les hôtels. Cela ouvre l’esprit d’approcher des problématiques et des manières de faire sans budget marketing. On acquiert une certaine confiance parce qu’on ne se sent pas seul et on ressort avec plein d’idées. Lorsqu’on s’ouvre soi-même, le niveau d’ambition est multiplié par 10.

Quels types d’événements en ligne YPO organise-t-elle ?

Reproduire en vidéo ce qu’il se passerait en réel ne fonctionne pas. Si on fait venir Michelle Obama pour des questions-réponses, c’est déjà super, mais le format sera identique à d’autres qui peuvent se trouver sur Youtube. Il faut éviter l’écoute passive sans immersion. On peut faire voter pour les questions qui intéressent le plus de membres, afin de créer une dynamique. Un autre exercice, c’est de disperser les participants dans des groupes de 2 ou 3 autres personnes pour parler d’un thème spécifique abordé par l’intervenant en première partie. Ces choses semblaient difficiles il y a un an, maintenant c’est extrêmement naturel. L’idée ne suffit pas, c’est l’action qui compte, c’est-à-dire d’être capable de ne pas juste regarder les gens mais de dire les choses. Sinon, les gens écrivent leurs e-mails en même temps et ont l’impression d’avoir très peu reçu en termes de contenu.

Il y a ensuite les réunions de groupe tous les mois. On se fixe par exemple un plan de diversité et inclusion dans l’entreprise de chacun. Et sur les 3 heures de réunion, 1 heure servira à faire un tour de table sur ce qui a été mis en place. Parfois, les autres participants peuvent me faire remarquer que mes dossiers n’ont pas forcément avancé depuis la fois précédente… En tant que dirigeant, c’est rare que des personnes dans nos équipes soient capables de nous dire ce genre de choses. Là, nos camarades patrons n’hésitent pas à rappeler les engagements qui n’ont pas été tenus par l’un ou l’autre. C’est agréable de pouvoir se dire les choses, on progresse et on avance.

Comment se situe YPO en termes de mixité ?

Cela progresse, mais cela ne va pas assez vite. En France, je crois que seuls 15% des CEOs sont des femmes. Et l‘impact des 20 années précédentes joue beaucoup dans le recrutement pour YPO puisque beaucoup de gens restent au fil des années. Depuis que Pauline Duval – Directrice générale du Groupe Duval, avec 4000 collaborateurs – est en charge du recrutement YPO, elle arrive à recruter 25% de femmes CEOs. On essaye d’avoir de l’avance là-dessus. On a le groupe « Women Business Network » pour que les femmes puissent avoir des discussions avec des femmes du monde entier. Puisque le mode de fonctionnement de YPO repose sur la diversité, on a absolument besoin de faire venir la diversité pour bien réaliser notre objectif. La difficulté des femmes pour rejoindre l’organisation est liée au temps dont elles disposent, une problématique partagée moins ouvertement par les hommes. Les femmes CEOs ont d’ailleurs souvent un conjoint ou une conjointe qui travaille aussi. Elles ont encore malheureusement une forte tendance à avoir la majorité du travail à la maison, qui dans leur perception passe avant le fait de se donner du temps à elles-mêmes. On essaye développe aujourd’hui des programmes hybrides à YPO pour qu’elles puissent nous rejoindre. Elles ont ainsi accès à d’autres membres à des moments différents de la journée : le week-end, ou même tard dans la soirée ou la matinée pour éviter le déplacement physique. Puis, au fur et à mesure, elles voient la qualité du contenu, et voient comment s’y intégrer. Sans compter qu’en incluant les conjoints et les enfants, elles participent beaucoup aussi à ce qu’on organise pour toute la famille. Je parle ici des femmes, mais il y a également beaucoup de diversités sur lesquelles on travaille, et qui ont aussi leur propre réseau au sein du réseau.

Tu as participé à l’émission de télévision « Undercover Boss » aux États-Unis (NDLR, un programme sur la chaîne américaine CBS, dans lequel des cadres dirigeants se font passer, déguisement à l’appui, pour des salariés de leur entreprise afin d’y ressentir le vrai vécu au quotidien)…

Une sacrée expérience, surtout la version américaine. 10 jours de tournage, 20 heures sur 24. Pour pouvoir avoir le résultat émotionnel qu’on voit à l’écran, on dort très peu, on nous met dans des situations rocambolesques, et à un moment, la caméra tourne pour avoir le rendu de la demi-heure de l’épisode. Les gens pensaient que les salariés allaient me reconnaitre, mais il faut savoir que le déguisement est du niveau d’Hollywood. J’avais 45 minutes de maquillage, des perruques et plein d’accessoires. C’est extrêmement important en tant que dirigeant d’être sur le terrain et de se rendre compte de ce que les salariés ont à raconter sur eux, ils ont des histoires incroyables. Et cela rend très humble. L’émission m’a confirmé la puissance de ce qu’est le Club Med, à savoir des jeunes qui partent à travers le monde pour donner de leur temps, s’amuser et se développer. Les jeunes qui deviennent chefs de villages à 25 ans, pilotent 15 millions de chiffre d’affaires, 800 clients et 500 salariés de 15 nationalités. Derrière toute marque et tout résultat, il y a des hommes et des femmes. Le rôle du dirigeant n’est pas simplement de leur donner un travail, mais de donner la capacité de changer des vies. Et en changeant la vie d’un salarié, on impacte souvent beaucoup plus qu’une seule personne. C’est d’ailleurs le choix que j’ai fait avec YPO : j’ai plaisir à diriger cette organisation pour pouvoir toucher 20 millions de salariés à travers nos 30 000 membres.

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