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Su Fen Lee (PhD, 2014) : "On ne fait pas de recherche financière en restant assis dans son bureau à lire des articles de recherche"

Interviews

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19/10/2021

Su Fen Lee (EDHEC PhD in Finance, 2014) a d’abord étudié le génie électrique, puis a obtenu un Master en Management Sciences à l’Université de Stanford. Alors qu’elle travaillait pour l’Autorité Monétaire de Singapour, on lui a proposé de s’engager dans la formation doctorale en finance de l’EDHEC. Elle a pu ainsi élargir le champ de sa mission pour les institutions publiques, et se constituer des compétences en recherche. Elle explique à EDHEC Alumni les interconnexions entre recherche et politiques économiques à partir de son expérience.

 

Quel est votre poste actuel, et quelles sont vos responsabilités ?

Je travaille pour le Ministère des Finances à Singapour. Mon équipe et moi supervisons les trois entités de réserves gouvernementales de Singapour, à savoir le GIC, le Temasek et l’Autorité Monétaire de Singapour, notre banque centrale. Nous nous assurons que ces entités emploient les réserves de Singapour selon les termes de leurs mandats respectifs. Nous examinons également la gouvernance en fonction de l'utilisation des réserves de Singapour. 

 

Aviez-vous prévu de passer successivement de l'Autorité Monétaire de Singapour (AMS) au Ministère des Finances (MDF) ?

Je n’ai pas planifié mon parcours professionnel dès le départ. J’ai bénéficié d’une bourse d’étude de premier cycle de l’AMS, je savais donc que j’allais travailler pour l’AMS après mes études, mais je ne savais pas exactement dans quel domaine. L’AMS est une grande organisation, c’est  la fois une banque centrale et un régulateur financier. Elle a aussi pour mandat de développer le secteur financier à Singapour. Lorsque j’ai rejoint le MAS après mes études, j’ai commencé en surveillance financière puis j’ai travaillé sur les questions de stabilité financière, et enfin sur la gestion de la data. Il y a deux ans, l'opportunité au MDF s'est présentée, j'ai décidé de la saisir.

 

Vous avez traité différents sujets dans la finance. Comment avez-vous fondé votre carrière sur la diversité du secteur financier ? 

La finance est en effet un vaste sujet, il existe de nombreux sous-domaines dans lesquels on peut se spécialiser. En même temps, il y a de nombreux chemins de traverse entre les différents secteurs de la finance. On peut passer à un domaine différent de celui que l’on a étudié auparavant, et il y aura toujours quelque chose à prendre des expériences précédentes. En réalité, je n’ai pas été formée à la finance avant mon doctorat. J’ai tout appris de la banque quand j’ai commencé à travailler. Dans la supervision bancaire, j'ai adopté un point de vue plutôt microéconomique : je faisais partie de l'équipe chargée de superviser un groupe de banques et la manière dont elles géraient leurs risques. En stabilité financière, j'ai dû adopter une perspective plus macroéconmique, en considérant le système financier dans son ensemble. Une perspective très différente ne signifie pas que mon expérience précédente n'était pas pertinente. J'ai pu m'appuyer sur ma connaissance de la manière dont les banques fonctionnent et gèrent les risques au quotidien pour mieux comprendre et évaluer le risque systémique au niveau sectoriel et la manière dont les banques individuelles peuvent contribuer à ces risques. À chaque nouveau poste, il y avait toujours quelque chose que je pouvais apporter de mon ancien poste, quelque chose de nouveau à apprendre et quelque chose que je pouvais utiliser dans mon rôle suivant. Ce que j'ai retenu de mes quinze années de travail, c'est qu'il ne faut pas partir du principe qu'une fois qu’on a obtenu son diplôme, on a acquis toutes les connaissances qui permettront d'aller jusqu'au bout de notre carrière. En fait, la formation ne fait que fournir les bases fondamentales ; le "véritable" apprentissage démarre lorsque l’on commence à travailler.

Lorsque je suis passé à la gestion de la data, j'ai dû rassembler toutes mes connaissances antérieures, car que l'on s'intéresse aux opérations bancaires individuelles ou au système financier dans son ensemble, il faut exploiter des données. 

 

Dans quelle mesure votre formation en génie électrique est-elle utile dans votre travail au quotidien ? 

La rigueur quantitative, le fait d'être capable de penser de manière analytique et d'être à l'aise avec les chiffres, sont utiles à bien des égards. En tant que superviseur bancaire, je devais comprendre des modèles complexes de gestion des risques et d'évaluation. Ainsi, lorsque je travaillais sur des questions de stabilité financière, je devais élaborer des modèles de simulation de crise. Lors de mon passage à la gestion des données, le fait de comprendre les techniques d'analyse des données, comme l'apprentissage automatique, m'a aidé à faire valoir l'utilisation de données de bonne qualité et l'exploitation des données pour générer des informations utiles à la prise de décision.

 

En quoi la recherche financière est-elle connectée au monde ? 

Ce qui est vraiment particulier avec la recherche en finance, c’est que le comportement humain est un élément très important pour la compréhension du fonctionnement des marchés financiers. Comprendre et avoir une idée de ce qui se passe dans le secteur financier et ce qui inquiète la population ou la préoccupe, est utile pour s’assurer que la recherche sur laquelle on travaille est pertinente. Pour que des recherches fassent la différence, il faut se préoccuper de la manière dont ceux qui lisent les publications internationales, dont certains travaillent probablement dans le secteur financier, vont réfléchir aux problèmes ou modifier leurs habitudes de travail après avoir lu vos recherches.

On ne fait pas de recherche financière en restant assis dans son bureau à lire des articles de recherche. Construire son réseau, parler aux banquiers et aux régulateurs de ce qui les empêche de dormir la nuit, permet de se faire une idée des préoccupations et des défis actuels. La collaboration avec les opérationnels du secteur financier est également un autre moyen de faire en sorte que vos recherches restent applicables.

 

Selon votre expérience, comment transforme-t-on les résultats de recherche en politiques concrètes ?

Dans le cadre de mon travail, je dois souvent formuler des recommandations et des propositions de politiques économiques sur des questions qui n'ont pas de réponse toutes faites. Cela signifie que je dois effectuer une certaine forme de recherche, qu'elle soit qualitative ou quantitative. La recherche qualitative peut consister à examiner ce qui a été fait dans des domaines connexes et à établir des parallèles à partir de là. La recherche quantitative consiste à recueillir des données pertinentes et à les analyser pour en tirer des conclusions. Souvent, je dois faire les deux ! 

Le plus souvent, la question de recherche découle d'un problème politique auquel il faut répondre. Cela dit, les résultats de la recherche ne constituent qu'une partie de la solution. En rédigeant ma recommandation, je ne peux pas me contenter de présenter ce que les résultats de la recherche signifient pour la décision politique, je dois prendre en compte d'autres facteurs tels que les questions de mise en œuvre pratique et la communication publique, avant de formuler la recommandation finale.

 

Pourquoi avez-vous choisi l’EDHEC pour votre formation doctorale ? 

Il y a plusieurs raisons. J'ai entendu parler du PhD de l'EDHEC par le département des ressources humaines de l’AMS, qui m'a encouragé à postuler. Lorsque j'ai voulu me renseigner et en savoir plus sur le programme, j'ai trouvé l'opportunité intéressante. Ce qui m'a attiré, c'est que je pouvais suivre le programme à Singapour et que je n'avais pas besoin de déménager, puisqu'il y a un campus EDHEC ici. Le programme était également structuré de telle sorte que je n'avais pas à quitter mon emploi ou à prendre un congé sans solde. L’AMS m'a également beaucoup soutenue et m'a accordé du temps libre pour assister aux cours, faire mes travaux, me préparer aux examens et travailler sur ma thèse. Cet arrangement a bien fonctionné, car lorsque le moment est venu de choisir le sujet de ma thèse, j'ai pu m'inspirer de mon travail au MAS.


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