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Rencontre avec Juan Pablo Acevedo (MSc in Management & Leadership, 2023), Fondateur de Galeano Studio

Interviews

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05/11/2025

Après des études en économie et en Business Intelligence à Medellín (Colombie) et un MSc à l’EDHEC, Juan Pablo Acevedo crée à Miami le cabinet de conseil et de design Galeano Studio. Les mutations de l’industrie du luxe dans tous les secteurs – de la grande distribution et la mode à l’agroalimentaire et le bien-être – et la cartographie élargie des fournisseurs et des consommateurs, de même que la définition augmentée du luxe, interdisent toute routine au quotidien de Juan Pablo. Il partage ses réflexions et les espoirs qu’il porte avec Galeano, couvrant toutes les étapes d’une entreprise du luxe vers la séduction du consommateur.

 

Comment résumerais-tu ton poste et tes responsabilités actuelles ?

En tant que fondateur de startup, je suis principal investisseur, et responsable des ventes, de la partie financière et des ressources humaines. Disons que mon rôle est de garder notre petite équipe de 7 personnes motivée et toujours prompte à innover. Chaque personne compte ! Galeano aide les entreprises à se positionner dans les industries luxe et premium, c’est-à-dire à ce que leurs consommateurs soient prêts à payer davantage pour leurs produits et services. Nous auditons et accompagnons ces entreprises dans leur stratégie et leur business model, dans l’aspect produit, c’est-à-dire dans tout ce qui peut permettre à un consommateur de vraiment faire confiance à la marque et le convaincre que ce qu’il achète est bien haut de gamme. En plus de l’équipe qui se consacre aux aspects stratégiques, nous avons une équipe créative qui propose des services de design d’intérieur, car une entreprise doit être cohérente dans l’ensemble de ses composantes. Le luxe met la qualité, l’artisanat et la perfection d’exécution au centre du business model. Tout est affaire de détails. 

Quelle importance revêt le design d’intérieur dans l’identité des marques ?

Les consommateurs d’aujourd’hui sont beaucoup mieux informés. Ils peuvent trouver facilement où et comment est fait le produit. Dans un espace physique, ils peuvent vraiment ressentir l’aura de la marque. Ce n’est plus seulement un lieu pour voir ou acheter un produit, mais aussi pour vivre une expérience, ressentir un concept. Un produit de luxe ne répond pas à un besoin ; le consommateur demande une qualité supérieure, et il doit donc pouvoir être en contact avec le produit. Après avoir vu un produit en ligne, beaucoup de gens se déplacent pour l’acheter dans un espace physique où ils peuvent vérifier que la marque tient ses promesses et que le produit vaut son prix. Les gens ont besoin de se sentir valorisés, de faire partie de la marque ou du concept. C’est pourquoi il est primordial de faire perdurer les lieux physiques, même si les consommateurs commandent en ligne une fois rentrés chez eux. Cela fonctionne dans les deux sens.  

Quels sont tes principaux défis d’entrepreneur dans le luxe ?

 

Notre principal défi est de convaincre certains clients que notre stratégie est vraiment la bonne pour eux. Il arrive que des dirigeants hésitent à changer leurs habitudes de vente, de prix, de communication ou d’investissement. Dans des villes comme Paris, Miami ou New York, on sait que l’industrie du luxe génère beaucoup d’argent, donc il y a moins de réticence à l’investissement. C’est relativement récent dans des pays comme la Colombie, où beaucoup de gens ont l’habitude de dépenser à l’étranger. Nous pouvons avoir du mal à convaincre des hôtels ou des restaurants que des clients payeront pour un positionnement luxe car ils n’ont pas grandi avec cette culture-là, contrairement aux Européens. Je n’ai jamais eu de cours sur le management du luxe en Colombie, par exemple ! C’est à l’EDHEC que j’ai découvert les fondamentaux du luxe, et qu’il s’agissait d’un véritable secteur en Europe, d’où ma volonté d’emporter ces connaissances avec moi aux États-Unis et en Amérique latine.  

Quels pays sont, à ton avis, les plus prometteurs dans le secteur du luxe ?

La Chine a été un vecteur de croissance considérable pour les maisons de luxe européennes. Je crois en l’avenir de l’Inde, où se renforce actuellement une importante classe moyenne. Les Indiens aiment leur culture et les stylistes locaux, mais ils aiment aussi beaucoup voyager et découvrir de nouvelles choses. L’Amérique latine change d’image auprès du monde. Les difficultés passées de la Colombie, marquées par l’instabilité politique et la violence, sont par exemple maintenant révolues. Ces pays accueillent de plus en plus de visiteurs, et créent donc davantage de richesses, et reçoivent davantage d’investissements étrangers. Selon moi, le Mexique, la Colombie et le Brésil sont des marchés très intéressants pour le luxe. La situation au Vénézuéla était idéale il y a plusieurs dizaines d’années quand le pays prospérait, mais la situation a maintenant complètement changé. Il faut donc rester vigilant et se pencher sur chaque pays séparément.    

Le luxe, maintenant, ce sont aussi les fondations d’art et les NFT. Comment inclus-tu cette définition plus large dans ton activité ?

Le luxe est un univers très vaste. Les maisons de luxe européennes existent depuis longtemps et capitalisent beaucoup sur leur héritage, l’artisanat et le storytelling des créateurs et fondateurs. Néanmoins, elles doivent continuer à innover et à garder du sens auprès des consommateurs. Ainsi, quand le métavers a commencé à se populariser, beaucoup d’entreprises ont commencé à investir dedans. La définition du luxe en Inde est complètement différente de celle en France ou en Colombie. Il faut comprendre le marché, la demande et les valeurs des clients, les catégorie de produits et services, pour proposer la solution la plus juste. Il y a aussi différentes gammes de luxe : des marques extrêmement chères au haut de gamme accessible, qui reste du luxe. On ne peut pas être radical et dire qu’un produit doit être fabriqué ou vendu dans un endroit précis pour qu’il soit estampillé « luxe », puisqu’il existe un très grand éventail de consommateurs et d’industries. Pour les clients de Galeano, nous devons surtout identifier ce qui fait la singularité de chaque entreprise et comment l’intégrer à un marché existant. Notre plus grand défi, à l’heure actuelle, est de comprendre les nouveaux consommateurs – je pense notamment à la génération Z et aux millenials – et de communiquer avec eux, tout en ne perdant pas les consommateurs de plus longue date. Il y a un véritable fossé générationnel en termes de valeurs et d’habitudes d’achat.

Qu’est-ce qui rend Miami si particulière au regard de l’industrie du luxe ?

Miami est une ville très riche, qui rassemble les conditions pour attirer des personnes très fortunées plutôt que dans d’autres villes aux États-Unis ou en Amérique latine. Elle peut se targuer de compter plusieurs espaces qui vendent les mêmes marques de luxe. Miami est également une destination touristique de premier plan, en particulier grâce au secteur des croisières, à son climat et à ses plages. C’est aussi une lieu de shopping pour les touristes internationaux. Il y a peu de boutiques de luxe en Amérique latine, donc les habitants de ces pays vont à Miami – plus proche que l’Europe –, sans compter que de nombreux résidents de la Côte Est des États-Unis passent l’hiver à Miami. Enfin, l’autre explication vient de la sociologie des personnes vivant à Miami, car une part non-négligeable du luxe repose sur l’image qu’on reflète. Aux États-Unis, on valorise les voitures de luxe, les belles demeures et les marques de designers. C’est une manière de montrer son succès, et cela peut motiver l’achat des marques de luxe. Il ne faut pas non plus oublier l’importance croissante des cryptomonnaies ces dernières années à Miami. Les investisseurs en crypto prennent plus de risques que ceux en actifs financiers plus traditionnels. Ils sont donc plus à même d’investir dans des montres et des voitures de luxe plutôt que dans des fonds ou des actions.

Quelles sont désormais les capitales du luxe dans le monde ?

Est-ce qu’une capitale se définit par l’endroit où se trouve le consommateur, par l’endroit où se trouve la production, ou par l’endroit où se trouve la créativité ? La mondialisation affecte  toute l’industrie. Le siège d’une marque peut se trouver en Europe, mais elle peut s’inspirer d’idées en Inde, en Afrique, en Amérique latine, et le consommateur peut être aux États-Unis, en Amérique latine ou en Chine. Ensuite, je pense que les nouvelles générations accordent moins d’importance à un luxe eurocentrique, et sont prêtes à davantage acheter près de chez elles. En plus, la question ne vient pas seulement de la provenance du produit, mais aussi de l’alignement des valeurs et principes qu’il véhicule avec le mode de vie du consommateur. Le luxe, cela peut être une inoubliable séance de spa en week-end, là où on vit, ou un rendez-vous dans un excellent restaurant, ce qui rend encore plus complexe l’identification des capitales du luxe lorsque le concept est si large.

En quoi ta présence au conseil d’administration de Skål (dont tu es le plus jeune membre) te donne un avantage dans l’industrie du luxe ?

Skål est la plus grande communauté au monde de professionnels du tourisme et du voyage, en grand lien avec le secteur de l’hospitalité. Il y a là-bas de nombreuses opportunités, notamment pour l’industrie du luxe. Nous mettons en commun notre savoir-faire et créons des passerelles entre les villes et les pays. Parmi les membres de Skål, beaucoup sont directeurs d’hôtels de luxe ou travaillent dans le secteur des croisières, qui a récemment connu une forte croissance. De grandes chaînes hôtelières, comme Mandarin Oriental, Aman, Ritz-Carlton, or Four Seasons s’y sont en effet mises. C’est une chance d’être entouré d’entrepreneurs et d’hommes d’affaires aussi expérimentées. En même temps, la communication intergénérationnelle peut parfois être compliquée, surtout quand on commence à parler de ce que recherchent les nouveaux voyageurs, de la façon dont le secteur devrait évoluer, et de comment communiquer plus efficacement. La jeunesse est parfois perçue comme un manque d’expérience, mais ce n’est pas toujours le cas !

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