Marie Soudré-Richard, EDHEC Master 1997, cofondatrice de Revival, une entreprise de la green tech
Lauréate du prix Femme à impact 2022, Marie Soudré-Richard, alumna de l’EDHEC a cofondé Revival, une entreprise de la green tech. Installée dans le Nord, Revival est spécialisée dans la revalorisation des plastiques et du caoutchouc issus des biens de consommation invendables ou usagés.
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Vous avez pris la parole à la rentrée des Master 2 de l’EDHEC. Quels messages vouliez-vous faire passer aux étudiants ?
Je voulais leur dire que ce qui compte, en entrepreneuriat, c’est la politique des petits pas. Il faut avoir une ambition et une vision très claires, bien savoir où l’on va. Les ambitions doivent être mesurées sur la base d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs. Il ne faut pas attendre pour démarrer et mettre les mains dans le cambouis. On apprend en marchant. Il est nécessaire de vérifier que son projet répond à un besoin, qu’il a une utilité, qu’il génère de la valeur et qu’il a un impact.
Pourriez-vous nous présenter Revival ?
Revival est une unité de recyclage des plastiques et caoutchouc issus des biens de consommation. Nous avons commencé avec les chaussures, car c’est ce qu’il y a de plus complexes. Dans une chaussure, la semelle présente un mélange de plastiques. Dans le haut de la chaussure, on peut avoir jusqu’à 70 matières. Notre métier est de récupérer des chaussures usagées, notamment celles qui sont en fin de vie, car elles ne peuvent pas être réutilisées et sont destinées à être enfouies, incinérées, réexportées pour être entreposées dans des décharges à ciel ouvert. Cela représente 1,5 million de tonnes par an en Europe. Nous travaillons avec une vingtaine de distributeurs et de marques dont Go Sport, Decathlon, Aigle… Nous récupérons des paires de chaussures que les clients rapportent. Vient ensuite tout un process de séparation des matériaux qui va jusqu’à 7 procédés différents, à la fois mécaniques et techniques dont le caoutchouc, l’EVA et le TPU.
Puis on a des procédés de régénération. Pour le caoutchouc, par exemple, nous procédons à une dévulcanisation. Cela permet de remettre le caoutchouc dans son état d’origine pour pouvoir le réutiliser. Puis on va l’incorporer dans une matière mère à hauteur de 70 %. Cela permet de refaire une semelle, un alliage, des bottes Aigle… C’est ici que nous avons le meilleur impact, car nous gardons une matière que l’on transforme « en or », qui va se substituer à de la matière neuve.
Nous accompagnons également nos entreprises partenaires, car la plupart d’entre elles n’ont jamais travaillé avec des matières recyclées. Ils n’ont jamais travaillé avec des gisements hétérogènes qui les forcent à formuler. Nous avons un centre de R & D à Douai ce qui nous permet de mener des tests en laboratoire. Nous avons une usine pour mener les tests pré-industriels pour être en capacité de les aider dans leur formulation.
Nous étudions de nombreux produits. Et il est essentiel de procéder à une mesure d’impact. Quand on recycle, il y a deux impacts. Le premier est négatif, car nous consommons du CO2 pour pouvoir brouiller, régénérer les matières. Et un second impact, positif lié à la substitution de matière neuve par de la matière recyclée. Les deux doivent être positifs quand on les soustrait. Ce calcul n’est pas toujours fait, je pense notamment aux pneus ou aux tapis d’amortissement dans les salles de gym. C’est parfois pire que l’incinération. Ce n’est pas non plus du greenwashing, c’est une méconnaissance de la mesure de l’impact.
Nous utilisons cette mesure également pour faire des arbitrages économiques en fonction du potentiel de la matière et de son impact qui doit, c’est primordial, demeurer positif. Notre modèle est atypique, disruptif.
Comment vous est venue l’idée de créer cette entreprise dans le domaine de green tech dans la métropole lilloise ?
Nous avons identifié ce besoin et avons voulu nous y mettre ! Tous les associés sont de la région et Nous souhaitons que notre activité contribue à la réindustrialisation des filières dans le Nord. Nous avons reçu de nombreux encouragements, des subventions… Les élus nous écoutent ce qui nous donne une véritable force de frappe en local. Nous discutons également avec le Ministère de la Transition écologique et la Commission européenne. C’est en menant des actions régionales, voire très locales que nous pourrons faire avancer les choses.
La loi fait aussi bouger les entreprises ?
Oui, la pression réglementaire fait aussi avancer la transition écologique. Nous avons déjà la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) qui interdit aux marques de détruire les invendus. Cela oblige les marques à se préoccuper de la fin des produits avant leur mise en marché. Il introduit aussi l’obligation d’utiliser, à l’instar des emballages, des matières recyclées dans les productions que ce soit dans les textiles, les chaussures, les articles de sport et loisirs...
Revival a de l’avance sur le sujet, car nous faisons de la R & D. Mais cela va aller très vite. La législation va s’accélérer.
Quel a été le déclencheur de votre envie de créer une entreprise ?
Je suis entrepreneure depuis 2006. C’est ma 4e boîte. J’avais déjà créé une entreprise avec une de mes associées actuelles au sein de Revival. Nous avions fondé le Collectif Paris avec Hélène Guerret. Nous nous préoccupions à la fois de transformation digitale et de la mise en place de modes de production tournés vers le RSE.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui envisagent de créer leur entreprise ?
Depuis mon intervention, beaucoup d’étudiants me contactent. Notre concept semble leur avoir plu. Mes conseils sont très pragmatiques ! Je leur conseillerai d’appliquer les méthodes agiles et du design de service. Il faut laisser tomber les méthodes d’analyse type BCG. Il faut designer le service et prototyper très rapidement. Tester auprès des clients, itérer. Il faut être frugaux, utiliser des outils digitaux qui ne coûtent pas chers pour modéliser puis suivre les indicateurs. Si on fait du développement en applicatif, mieux vaut opter pour du no code qui ne coûte rien pour tester, sinon on crée une dette applicative avant même le lancement. Il faut aussi ne pas pouvoir se rémunérer pendant quelques temps. Enfin, il ne faut pas avoir peur du risque, de disrupter des modèles économiques, pas juste de les optimiser.
Où en est le réseau des Alumni de l‘EDHEC sur les questions de transition écologique ?
Les Alumni de l’EDHEC qui sont en entreprise, ont des objectifs RSE hyper ambitieux à appliquer. Les entrepreneurs de l’EDHEC ont dans leur grande majorité la notion d’impact en tête. Nous avons récemment fêté les 25 ans de notre promo’ et tout le monde s’est dit sensible au sujet, et connaît les enjeux du RSE.
Les Alumni de l’EDHEC sont aussi sensibilisés à l’évolution des méthodes de management. Avant son embauche, mon directeur industriel m’a dit : « C’est 4 jours ou rien ! ». Nous avons accepté sa demande. On ne peut pas être une entreprise qui prône un impact positif, un bien-être et rejeter ce type de demande. Nous nous sommes adaptés. Les équipes ont besoin de sens, de transparence.
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