Lutte contre le tabagisme : augmenter la taxe et compenser les inégalités sociales
L’un des objectifs du programme national de lutte contre le tabac 2018-2022 est de porter à moins de 22% la part des fumeurs quotidiens dans la population française en 2022. En 2017, ce chiffre stagnait encore à 27 %. Une étude du centre de recherche EDHEC Economics, rédigée par Léontine Goldzahl, recommande une nouvelle augmentation de la taxe sur le tabac et la mise en œuvre de mesures pour compenser les inégalités sociales importantes face au tabagisme.
L’auteur souligne que les fumeurs n'intègrent pas pleinement les conséquences du tabagisme sur la santé dans leurs décisions, conduisant à un coût social du tabagisme estimé à 120 milliards d’euros. Parallèlement, elle note un écart de 16,5 points de prévalence dans la consommation de tabac entre les individus n’ayant pas de diplôme et ceux ayant atteint un niveau de diplôme supérieur au bac. Un gradient social observable également pour les revenus.
EDHEC Economics propose d’examiner les politiques à la disposition des pouvoirs publics pour amplifier les résultats de la lutte contre le tabagisme et préserver l’équité sociale.
A QUAND UNE NOUVELLE HAUSSE DE LA TAXE SUR LE TABAC ?
Selon Léontine Goldzahl, la taxe sur le tabac est un instrument efficace pour lutter contre le tabagisme mais elle produit un effet différencié selon le niveau socio-économique des fumeurs.
« Alors que le prix du paquet de cigarettes a été multiplié par 3,5 entre 1979 et 2000, la consommation moyenne des 10% des ménages les plus pauvres est restée à 8 cigarettes par jour, tandis que celle des 10% des ménages les plus aisés est passée de 5,4 à 3,4 cigarettes par jour. »
La taxe doit générer une diminution de la consommation, sans toutefois évincer complètement la demande car elle est source de recette fiscale pour l’Etat.
« Envoyer un signal-prix adéquat reviendrait à fixer le prix du paquet de cigarettes socialement responsable à 15,69€, ce qui représente une hausse de 100%. Or, l’objectif affiché par les décideurs publics est d’atteindre un paquet à 10€ en 2020. »
…OUI, MAIS PAS SANS AMÉLIORER L’ACCESSIBILITÉ DE L’INFORMATION
Rapports officiels, campagnes d’information, messages sur les paquets de cigarettes…, les sources d’information sur les risques liés au tabagisme sont multiples. L’étude rappelle que « 10,5% des individus dont le diplôme est inférieur au bac se sentent mal informés sur le sujet alors qu’ils ne représentent que 4,1% de ceux ayant un diplôme supérieur au bac. »
Il paraît donc nécessaire de personnaliser l’information diffusée auprès des publics défavorisés, par les médecins généralistes, sages-femmes, et autres spécialistes spécifiquement formés à la tabacologie.
…ET UN MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT DES POPULATIONS À RISQUE ET PRÉCAIRES
En outre, l’auteur préconise le remboursement total - à 65 % depuis janvier 2019 - des substituts nicotiniques et des consultations en tabacologie pour les populations à risque telles que les femmes enceintes et les plus précaires.
L’étude est également favorable à la prise en charge des dispositifs d’aide à l’arrêt du tabac et la mise en œuvre d’interventions ciblées innovantes notamment pour les jeunes.
« Par exemple, une étude récente suggère qu’une application pour smartphone connectée à un bracelet muni d’un capteur de gestes serait efficace pour arrêter de fumer » mentionne la publication.
L’étude proposée par Léontine Goldzahl met finalement en exergue les enjeux interdépendants des politiques de lutte contre le tabagisme, en termes de coût social et d’inégalités sociales, avec pour variable clé la probabilité de décès : « La prise en considération systématique de l’impact des politiques publiques sur les inégalités sociales face au tabagisme est un point essentiel dans la mesure où elle induirait une diminution du gradient social de la mortalité. »
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