Le dirigeant du mois : Franck J Moison (EDHEC GE 1975), Chief Operating Officer, Emerging Markets & South Pacific, Colgate Palmolive-USA

Franck, quel a été votre parcours ? Que vous a-t-il appris ?

En 1978, après mon Mba à l’université du Michigan et un an de service militaire, j’ai démarré comme assistant chef de produit, chez un « lessivier » Colgate Palmolive. Cela fait 34 ans et je m’y amuse toujours. Je continue à apprendre.
Je suis resté fidèle à Colgate car 2 ans après mon démarrage, ils m’ont offert la possibilité de faire une carrière à l’international. J’ai ensuite voyagé sur tous les continents et ai évolué et changé de poste tous les 2 ans environ. J’ai déménagé 12 fois !

Ainsi, j’ai démarré par un poste de chef de produit en Italie. Après 6 ans, je suis parti à New York, en tant que directeur marketing associé de AJAX  au niveau Mondial. Pendant 2 ans, j’ai ainsi appris à gérer une marque sur le plan mondial et comment une multi-nationale se vend à l’international. J’ai, ensuite, obtenu un premier poste de directeur marketing en Suisse. J’y ai connu une première expérience de restructuration d’entreprise, puis j’ai pris la direction marketing Italie pendant 3 ans.

Après ces 3 années, j’ai été de retour en France pour prendre la direction générale de la division Commerciale Produits Ménagers/Détergents. Je quitte le marketing pour passer aux Ventes. L’expérience commerciale est indispensable pour prendre ensuite une direction générale.

En 1996, je deviens VP et General Manager de la filiale italienne, que je connaissais bien puisque j’y avais été chef de produit et directeur marketing. Fort de cette expérience, je prends en 1998,  la direction Europe Centrale et Russie. Une région du monde en fort développement suite à la chute du bloc communiste : Russie, Asie Centrale, Europe Centrale et Turquie. C’était passionnant, il y avait beaucoup de choses à faire. Cependant, en 1998, c’est aussi la « douche froide » après la dévalorisation massive de la Russie. Les marchés s’écroulent. J’ai ainsi appris à gérer une crise majeure de manière rapide : restructurer et changer d’approche. C’est dans les moments difficiles qu’on apprend le plus. Il faut s’attendre au pire et s’y préparer.

En 2000, je prends la direction de l’Europe de l’Ouest à Paris. J’ai doublé les ventes, doublé les profits, revendu des marques. Après 4 ans, le siège européen déménage en Suisse et j’ajoute à l’Europe de l’ouest, la direction de l’Europe de l’Est et du Pacifique Sud. Je vais ainsi gérer une Europe à croissance faible et un pacifique Sud avec de très fortes croissances.

En 2007, mon patron devient CEO du groupe Colgate. Il me confie le marketing mondial, la recherche et développement et tout le manufacturing du groupe (Président Global Marketing, R&D and supply chain). Cela représente 25000 employés et 52 usines.  Manager des docteurs en chimie, des ingénieurs, c’est très intimidant ! En même temps, un job, qui vous « strechte », vous pousse dans vos limites et vous force à apprendre à nouveau, c’est formidable. J’ai écouté, écouté, écouté … pour  faire un diagnostic et construire une équipe qui travaille de manière alignée sur les projets commerciaux, marketing et R&D. J’ai utilisé également le bon sens. Avec une solide dose de bon sens, on arrive à diriger une équipe pluri-disciplinaire. Il ne faut pas craindre, non plus, d’être entouré de personnes plus fortes que soi.

Depuis février 2010, je suis Chief Operating Officer (COO) for all emerging markets and South Pacific, avec la responsabilité des opérations pour l'Asie, la Russie, l'Amérique latine, l'Afrique, le Moyen Orient et le Pacifique Sud.  De plus, je travaille avec le chairman du Groupe sur tous les projets stratégiques, la définition du budget mondial, les acquisitions et le « succession planning » des cadres dirigeants.

Quels sont les chiffres clés et activités du groupe ?
Colgate : 17 Md de dollars de CA, 38000 employés
52% des ventes dans les pays émergents, 20% aux USA, 20% en Europe, 8% au Japon
4 grands métiers et quelques activités annexes :
-    Leader mondial de l’hygiène buco-dentaire  (Colgate, Tonygencil, Elmex …)
-    N° 2 mondial des produits Soin du corps (Palmolive, Sanex, Tahiti Douche, Protex …)
-    N°1 mondial des produits ménagers (Ajax, Lacroix, Paic, Genie …)
-    N°1 mondial des assouplissants (Soupline …)
-    Leader sur le marché des aliments pour la santé des chiens et des chats vendus par le biais des vétérinaires (Hill’s)

Quelles sont les perspectives ?
Le groupe est un des meilleurs dans sa catégorie et a développé une stratégie extrêmement concentrée sur un portefeuille de produits très limité. Le groupe est, en effet, sorti de plusieurs catégories peu rentables. Notre stratégie fonctionne bien. Nous sommes n°1 mondial en santé bucco – dentaire, très loin devant le numéro 2.
Nous sommes, d’un côté, portés par les pays émergents. En 2015, ils représenteront 88% de la population mondiale. Or, aujourd’hui ils consomment la moitié de ce que les européens et américains consomment. 30% des indiens, n’utilisent pas de dentifrice. Le groupe les convertit donc à l’utilisation du dentifrice via des produits à très faibles coûts (moins de 20 centimes). Nous avons ainsi une forte réserve de croissance et de part de marché dans les pays émergeants.
De l’autre côté, pour les pays européens et américains, la stratégie consiste à développer des produits plus thérapeutiques. On passe du dentifrice anti-carries au dentifrice qui prend soin des gencives puis à celui qui traite de l’hypersensibilité dentaire….

Quelles sont les compétences clés pour réussir, selon vous ?
Avoir du bon sens, une capacité d’écoute.
Développer une capacité à anticiper
Avoir une intégrité absolue
Avoir le courage de ses opinions. Le Management a besoin d’entendre l’intuition des jeunes que nous embauchons. Surtout ne dîtes pas ce que le patron veut entendre, donnez votre opinion. « You are paid to succeed, not to please ! »

Quels sont vos conseils aux étudiants ?
Choisissez des stages dans des sociétés qui ont une bonne réputation, dans la mesure du possible à l’étranger et, en particulier dans des pays émergents.
Profitez des progrès extraordinaires qu’a faits l’Ecole en développant 1 réseau d’universités et de business schools partenaires de 1° ordre.

Quels sont vos liens avec l’Ecole ?
Je suis président de l’International Advisory Board (IAB). Je dialogue régulièrement avec Olivier Oger et Richard Simonin – L’IAB fait un travail de stratégie passionnant.