Professeur spécialisé en marketing à l’Edhec Business School, Loïck Menvielle a présenté les enjeux liés au développement de l’e-santé, lors de la première édition du congrès « Connected Health Monaco » qui s’est tenu le 10 juin à Monte-Carlo et a rassemblé plus de 180 participants. Ce congrès est une première en France et en Principauté, permettant de rassembler les acteurs majeurs du secteur de la santé (industriels, spécialistes du domaine, start-up) mais aussi des praticiens de très grande renommée. A ce titre, ce congrès était présidé par l’éminent Pr. René Frydman, à l’origine du premier « bébé éprouvette » français et du Pr. Pascal Staccini, responsable des nouvelles technologies à la Faculté de médecine de Nice.
Comment peut-on définir l’e-santé ou santé connectée ?
C’est l’application des technologies de l’information au domaine de la santé, du dossier médical à la télémédecine en passant par la M-santé avec le développement des objets connectés. C’est déjà une réalité aujourd’hui et un secteur en devenir. Un internaute sur deux dans le monde (soit près de 1,5 milliards de personnes) utilise déjà une application santé et cela n’est pas sans conséquences. Les recherches que nous conduisons en partenariat avec deux universités au Canada mettent en évidence les changements intervenus dans la relation entre patients et soignants, cette relation sort renforcée grâce à l’échange d’informations. De même, les communautés de patients permettent aux malades de renouer le lien social brisé parfois brisé par la maladie.
La santé connectée n’est- elle pas aussi un enjeu économique important ?
La santé n’a pas de prix, a-t-on l’habitude de dire, mais elle a un coût. On estime que les dépenses santé seront multipliées par trois d’ici 2050 pour les seules affections de longue durée. De même le vieillissement de la population va entraîner une hausse significative de ces dépenses. Considérant uniquement les maladies chroniques (cancer, diabète etc.) celle-ci représentent près des ¾ des dépenses de santé actuelles. Pour prendre toute la mesure des enjeux économiques liés aux maladies chroniques, d’ici à 2030, nous aurons dans le monde près de 500 millions de diabétiques, ce qui représentera l’équivalent de 680 milliards US $ de dépenses de soins…
Comment dans ce contexte garantir un modèle soutenable et par là même l’accès aux soins à tous ? Comment soigner efficacement à moindre coût ? L’e-santé apporte des réponses dans les pays occidentaux comme dans les pays émergents et il nécessaire de se pencher sérieusement sur cette problématique d’où ce premier congrès hors pair dans ce domaine.
Comment l’e-santé peut-elle contribuer à une réduction des coûts ?
En favorisant la prévention et un meilleur suivi des patients. On peut le comprendre aisément dans les pays développés où il est très facile, via l’accès Internet de favoriser l’incursion de cette santé connectée. En ce qui concerne les pays en développement, cette problématique de santé connectée est cruciale. En Afrique et en Inde le télédiagnostic se développe grâce au téléphone mobile dont l’usage est répandu. Il est possible, par exemple, de réaliser des tests de la vision à distance à partir d’un simple smart phone. De même, en contrôlant le référencement des médicaments grâce au mobile on peut lutter contre la contrefaçon qui provoque la mort de milliers de personnes dans le monde. L’e-santé permet aussi de mieux assurer le suivi des prescriptions et donc d’accroître l’efficacité des traitements.
N’y a-t-il pas des réticences au développement de l’e-santé de la part des patients face au risque d’intrusion dans la vie privée ?
Globalement les patients sont plutôt favorables à l’e-santé, souvent parce qu’elle leur facilite la vie et contribue au mieux vivre, mais il faut avouer que la confiance liées aux données personnelles constitue des enjeux cruciaux. Quoi qu’il en soit, pour certaines maladies chroniques, les avancées techniques ont pris le pas sur les craintes des individus. Les diabétiques aujourd’hui disposent d’outils très simples à utiliser qui leur permettent de surveiller leur taux de glycémie. Au Japon où les robots sont déjà très présents, ils sont bien perçus, c’est le cas de Paro, qui a l’apparence d’un bébé phoque en peluche, et stimule avec efficacité les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer. L’e-santé va aussi contribuer au maintien à domicile des personnes âgées avec des appartements équipés de capteurs et des robots humanoïdes qui vont leur apporter suivi et sécurité, une attente forte de leur part.
La révolution de l’e-santé ne fait que commencer ?
La robotique dans l’assistance médicale et la télé-chirurgie sont appelées à connaître un net développement. La première opération à distance, baptisée « opération Lindbergh », remonte à 2001, où une patiente hospitalisée à Strasbourg a été opérée à distance avec succès par l’équipe du Pr. Marescaux depuis New-York. Le potentiel Français est bien là et ceci est très encourageant surtout à une période où l’on peut parfois faire mention d’une certaine morosité économique… Créatrices de valeur, les TIC vont faire émerger de nouveaux modèles en matière de santé mais rassurez-vous, le malade restera toujours au cœur de la relation avec les soignants.
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