La famille Carpentier : 150 années d'expérience EDHEC sur trois générations
Dans la famille Carpentier, il y a Jacques, 104 ans, promo 1938 et doyen des alumni de l’EDHEC, sa belle-fille Marie-Madeleine, promo 76 et sa petite fille Sarah, promo 2006. À eux trois ils cumulent plus de 150 années d'expérience EDHEC ! Nous sommes donc allés à leur rencontre pour une interview souvenirs inter-générationnelle. La rencontre a eu lieu à quelques mètres à peine du campus EDHEC de Croix. C'est en effet là que vit Jacques désormais.
Tous les trois ont répondu aux mêmes questions et nous offrent ainsi une image très personnelle des évolutions de l’EDHEC et de la société française, de 1935 à nos jours.
Racontez-nous votre arrivée à l’EDHEC
Jacques : J’ai intégré l’EDHEC, qui s’appelait alors HEC Nord, en 1935. Je suis de la génération 1918, on était des enfants nés pendant la guerre et on n’était pas nombreux ! De mémoire, ma promo comptait 10 étudiants alors que l’année suivante, ils étaient plus d’une quarantaine. Ça doit paraître peu au regard des promos d’aujourd’hui mais pour nous, c'était une petite révolution !
Marie-Madeleine : Je voulais intégrer l'EDHEC . À la place d'une prépa, j'ai choisi de passer par un DEUG de science éco et le probatoire d'expertise comptable pour rentrer en admission parallèle. L'école attirait déjà pas mal de parisiens, mais encore très peu de filles, pas plus de 20%. Il me semble que maintenant, c'est 50/50, et tant mieux. C’était une école déjà très ouverte d’esprit avec un côté entrepreneurial qui ne l’a jamais quitté.
Sarah : J’ai intégré l’EDHEC en 2003 après 2 ans de prépa. Je suis l’une des dernières promos de la rue du Port. C'est durant ma scolarité que l'on nous a demandé de voter : s’agrandir à la place de la fac de médecine ou sur un nouveau campus à Croix. C’est Croix qui a gagné et le nouveau campus est né en 2010 ! Je me souviens que l'on était une très grosse promo, car cette année-là beaucoup d’étudiants avaient choisi l’EDHEC à Lille. On était plus de 600 ! Les années suivantes, la direction a revu la répartition des effectifs entre le campus de Nice et celui de Lille.
Quelles étaient les matières emblématiques à l’époque ?
Jacques : On avait pas mal de compta, de droit, il y avait aussi un peu d’anglais et d’allemand, mais rien à voir avec aujourd’hui ! On nous enseignait des matières très concrètes, car beaucoup d’entre nous étaient destinés à reprendre, juste après les études, des affaires familiales ou des postes à responsabilité au sein de ces entreprises. Beaucoup de prof de la catho nous donnaient des cours, et parmi eux des prêtres ! Ils avaient des méthodes d’apprentissage bien différentes de celles d’aujourd’hui.
Marie-Madeleine : On avait aussi beaucoup de cours de droit, de comptabilité. Je me souviens notamment d’un professeur emblématique : Gaston Duytschaever, très exigeant, mais reconnu comme un super prof. C’était aussi la grande arrivée de l’informatique, on apprenait le système binaire.
Sarah : On nous parlait de stratégie et d’entrepreneuriat. Une chaire récente était dédiée à ces sujets d’ailleurs. On avait aussi pas mal de finance et de marketing et beaucoup s’orientaient vers des métiers dans ces domaines. Ma mère vient de parler de son apprentissage du système binaire, nous nous avions une toute nouvelle plateforme d'elearning, appelée Blackboard, ça montre l'évolution incroyable de l'informatique ! Les sujets de RSE commençaient timidement à émerger, c’était surtout une ouverture d’esprit. Je suis heureuse de constater que ces sujets ont pris tant d’importance dans la société comme à l’EDHEC...
Décrivez-nous l’atmosphère de l’EDHEC :
Jacques : On sentait vraiment la tension de la guerre qui arrivait. J’ai du arrêter l’EDHEC après la 2e année pour m'y préparer, en rejoignant l’école militaire de Saint-Cyr. Ensuite, la guerre s’est déclarée, j’ai été affecté au 6e régiment des Tirailleurs Marocains et envoyé pas loin de Verdun. Le jour de l’armistice (22 juin 1940), on était cachés dans la forêt. On est sorti, car on a entendu beaucoup de bruits. Les Allemands nous ont appris que c’était la fin de la guerre et nous ont proposé de boire un verre… En réalité, ils nous ont emmenés dans un camp de détention. J’ai été en captivité pendant presque 5 ans, à l’Est. Quand je suis rentré, j’ai retrouvé ma famille et voyagé un peu en France avant de démarrer ma vie professionnelle.
Marie-Madeleine : j’ai adoré l’EDHEC, l’ambiance était plus détendue qu’à la Catho. On avait tous des profils différents. Je m’y suis fait de très bons amis, que j’ai encore d’ailleurs ! Je me souviens du directeur de l’école, Daniel Leroux, qui était un grand voyageur et qui insufflait à l’école une ouverture au monde. Il voulait déjà, pour le concours d'admission, créer un tronc commun avec les autres grandes ecoles. L’EDHEC nous apprenait à nous adapter à notre environnement, à être à l’écoute, à oser. Des valeurs encore très présentes et qui montrent que cette école a toujours eu un temps d’avance.
Sarah : l’ambiance était rythmée par les associations ! Surtout le Chti et la Course Croisière EDHEC. De mon côté, j'ai participé à la création d’une asso qui existe encore : Cheer Up ! EDHEC, un projet monté en simultané dans différentes écoles. L'un de nos amis avait été atteint d'un cancer en 1ʳᵉ année de prépa et il a pu constater l'absence d'aides et d'animation pour les ados hospitalisés. Il a créé la 1ʳᵉ antenne de Cheer Up! en intégrant l'ESSEC.
À quoi ressemblaient vos projections de carrière ?
Jacques : Nous étions essentiellement des fils d’industriels du Nord, beaucoup devaient reprendre les entreprises familiales et pour les autres, on avait en tête d’intégrer des sociétés pour y rester toute notre carrière. Après la guerre et la fin de ma captivité, je suis entré chez Suchard et j’y suis resté jusqu’à ma retraite. Je me suis passionné pour le chocolat et j’ai transmis cette passion à ma famille ! Aujourd’hui, je constate que la jeunesse voyage, change d’entreprise et même de métier plusieurs fois au cours d’une vie. Les temps changent, c’est fascinant.
Marie-Madeleine : Les femmes qui sortaient d’écoles de commerce n’étaient pas nombreuses. Il fallait se faire une place et assumer notre posture en entreprise ! L’EDHEC nous aidait et conseillait très bien. De mon côté, j’ai fait une grande part de ma carrière au sein d'une association qui promeut la RSE. Nous avons créé un partenariat avec l'EDHEC qui s'est engagé comme partenaire du World Forum. Comme disait Sarah, je suis fière de voir que ce thème est si présent aujourd’hui dans la vie de l'école, car quand elle est sortie de l’EDHEC, on était aux prémices !
Sarah : Comme on avait beaucoup de stages en entreprises en France et à l'international, on mettait les pieds dans la vie professionnelle plus vite que les générations de ma mère et mon grand-père. L’EDHEC nous poussait à acquérir un maximum d'expérience. Quand mes amis et moi échangions sur nos plans de carrière, nous imaginions intégrer un grand groupe et changer 2 ou 3 fois d’entreprises pour gravir les échelons. Finalement, nous bougeons plus... et ce n'est rien par rapport aux générations suivantes ! Nous avions quand même le stress du 1er job. Notre génération a été touchée par la crise de 2007. Certains secteurs étant bouchés, il fallait se démarquer et les expériences en entreprises étaient très importantes pour ça. L’EDHEC nous a permis d’avoir pas mal de clés concrètes et un réseau pour entrer dans la vie active. C’était un véritable atout.
Un immense merci au trio EDHEC familial, Jacques, Marie-Madeleine et Sarah d’avoir partagé avec nous leurs souvenirs à l’unisson, pour notre plus grand plaisir !
L'équipe EDHEC Alumni
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