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Interview avec Andrea Simmons (MBA 2016), CEO de Palais des Thés États-Unis

Interviews

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23/12/2022

Andrea Simmons est diplômée du programme Global MBA de l’EDHEC. Le thé est devenu son centre d’intérêt majeur après plus de cinq ans chez Palais des Thés à New York. Aujourd’hui CEO de la filiale États-Unis de la marque, elle partage ici avec EDHEC Alumni les nouveaux défis de ce secteur et certains des stéréotypes qu’elle est amenée à démentir au quotidien. La révolution du thé est en marche !

Pourrais-tu nous décrire ton poste et tes responsabilités ?

Je suis responsable de la filiale États-Unis de Palais des Thés, qui regroupe également quelques activités au Canada, au Mexique et dans une partie des Caraïbes. Je supervise trois branches commerciales : le e-commerce, la vente en gros – restaurants, cafés, hôtels principalement dans l’hôtellerie de luxe – et la vente B2B au détail, par exemple vers les grands magasins. Je suis en charge du développement de la marque aux États-Unis, de l’accroissement de sa visibilité ainsi que de l’expansion de l’équipe et des ventes. 

Quelles sont les principales habitudes de consommation dans la zone géographique que tu gères ? 

La consommation est un peu plus importante dans le Nord-Est et le Nord-Ouest que dans les États du sud. Le Mexique préfère les infusions et les tisanes aux fruits (tisanas). Je dirais que les Américains préfèrent généralement leur café ou leur thé du petit déjeuner à emporter, contrairement aux Européens. La pandémie a un peu changé les habitudes, les gens se sont mis à consommer plus de produits gourmets de manière générale et à boire beaucoup plus de thé chez eux. Sur les dernières années, nous avons vu une augmentation réelle du nombre de gens consommant du thé de meilleure qualité. 

Les consommateurs ont-ils un nouveau regard sur l’impact des produits sur leur santé ?

Depuis ces cinq dernières années, on constate un intérêt croissant pour les modes de vie et les produits plus sains. La pandémie a accentué cette tendance. Les gens ont dépensé plus pour leur intérieur et se sont intéressés davantage à ce qui était bon pour eux. Or notre thé est sans sucre ajouté, sans OGM, et naturellement riche en antioxydants. Il y a une demande croissante sur le marché de produits naturels bénéfiques pour la santé, avec des tendances assez intéressantes : certaines personnes choisissent le thé à la place du café, ou même parfois à la place de l’alcool, avec les cocktails à base de thé, les mocktails au thé, le thé pétillant… Notre thé offre une alternative vraiment forte aux boissons sucrées avec ses parfums naturels de fruits, de plantes et d’épices. C’est aussi une alternative agréable avec une palette de goûts extrêmement variée. Toute la région californienne et les grandes villes de la Côte Est valorisent beaucoup les notions de bien-être, de forme physique et d’art de vivre en général, en particulier chez les plus jeunes. Où que vous alliez, les gens s’intéressent plus qu’avant à ce qui est bio ou sans OGM, et ils veulent vraiment connaître l’origine des ingrédients. La plupart des consommateurs de thé sont dans la tranche 20-40 ans. 

Le thé est-il lié au phénomène de gentrification des villes ?

On pourrait dire que le thé est lié aux grandes villes et à la gastronomie. Beaucoup de grands chefs de ce pays travaillent avec nos thés, et une créativité se développe autour du thé, avec la cuisine au thé ou les accords mets / thé. En tant que marque, nous travaillons constamment à enrichir l’expérience et éduquer le maximum de gens à la qualité, nous avons une véritable passion pour la transmission de notre savoir, que ce soit à travers l’expérience gastronomique, le tea time, le thé chez soi, ou simplement du point de vue du mieux-être. Nous avons même constaté un regain d’intérêt de la part des hôtels cinq étoiles qui ont lancé (ou relancé) des tea time en réponse à l’intérêt croissant des consommateurs. Nous avons vu des salons de thé fleurir à New York, à Los Angeles et même aujourd’hui à Miami. Un changement est véritablement en train de se produire. 

Comment l’offre de Palais des Thés s’organise-t-elle aux États-Unis ?

Nous assurons nous-mêmes notre distribution. Notre valeur ajoutée réside dans le fait que nous travaillons directement avec les hôtels, nous formons le personnel, nous leur apprenons l’essentiel sur le thé, la manière de le servir, un peu comme des consultants. En tant que marque, c’est extrêmement intéressant pour nous de travailler avec les responsables et les directeurs des services restauration et gastronomie, d’être vraiment partenaire. Cela nous permet d’être partie prenante sur le long terme, en organisant des événements et en impliquant tout le monde. Nous enseignons les bienfaits du thé, les différences selon le degré de caféine, la couleur et la saveur. Pour le client, c’est une expérience sur mesure, tout sauf standardisée : vous recevez la meilleure qualité de thé et les solutions adaptées à votre domaine. 

Quel est le centre d’intérêt principal des consommateurs à l’heure actuelle ? 

On remarque actuellement un intérêt vraiment fort pour les adaptogènes. Il y a toujours de nouveaux parfums qui sortent et la tendance que nous constatons est un intérêt réel pour tout ce qui touche à la santé et à l’utilisation d’ingrédients naturellement bénéfiques (par exemple le curcuma pour la digestion).

Y a-t-il des stéréotypes liés au thé, contre lesquels vous devez vous battre ? 

Quand certaines personnes me disent qu’elles n’aiment pas le thé, je pense que c’est juste qu’elles n’ont pas essayé ou trouvé le bon, parce qu’avec une telle diversité il y a forcément une sorte qui plaira. Certains pensent aussi le thé ne vous réveille pas le matin autant que le café, l’idée que vous avez besoin de votre caféine le matin ou à chaque fois que vous recherchez un plus d’énergie. Le grand bénéfice du thé est qu’il y a quand même cet apport de caféine, mais à la différence du café (avec lequel vous avez une grande montée d’énergie suivie d’un effondrement) : cela ne vient pas d’un coup mais plutôt selon une courbe de réveil. Vous n’avez pas de palpitations, et comme le thé contient de la théine, il a un effet relaxant qui favorise la clairvoyance et le dynamisme, ce dont les gens ne sont généralement pas conscients.

Le marché de l’infusion est-il en expansion ?

C’est évident. On constate de plus en plus d’appétence pour les infusions et les produits sans caféine. J’en viens à un autre stéréotype fréquent aux États-Unis : les gens demandent du thé décaféiné. Nous essayons de leur expliquer que la plante-même – camellia sinensis – contient naturellement de la caféine, que tous les produits décaféinés passent par un processus chimique d’extraction de cette caféine, processus que nous jugeons assez néfaste. Mais la bonne nouvelle est que nous proposons beaucoup de produits naturels à base de plantes et naturellement sans caféine. Voilà encore une chose qui intéresse de plus en plus de monde, que ce soit les personnes âgées, les femmes enceintes ou les personnes particulièrement sensibles à la caféine.  

Comme profitez-vous de l’image d’un produit français pour le développement de la marque aux États-Unis ? 

De toute évidence, le fait qu’il y ait une histoire de trente ans derrière la marque est un élément clé dans notre positionnement. La marque est vraiment reconnue en France, et l’objectif est d’utiliser cette reconnaissance comme un atout aux États-Unis, où les gens associent souvent produits français et gastronomie. L’un de nos grands défis est d’adapter notre contenu au goût américain ou de reformuler plus précisément cette histoire d’une manière telle qu’elle touche les Américains et paraît plus attractive, plus personnalisée aux yeux des consommateurs. Les Américains adorent les histoires, ils veulent toujours en savoir plus, et nous utilisons vraiment le récit et le contenu comme moteurs de notre marque. 

Chez Palais des Thés, comment associez-vous la gamme d’émotions et d’expériences au concept de voyage ?

Notre fondateur parcourt le monde à la recherche des meilleurs thés et si vous suivez son blog, chaque thé peut devenir une idée de voyage. Mais notre marque ne mise pas tant sur l’aspect voyage que sur l’approvisionnement direct. Ce qui nous plaît est de faire connaître à nos clients l’origine du thé qu’ils consomment, sa provenance et le savoir-faire. Nous souhaitons en faire un facteur de différenciation sur le marché, en nous positionnant comme une marque durable et en renforçant nos liens avec les producteurs. Il y a énormément de travail et de passion en jeu dans la culture du thé au Japon, en Chine, au Sri Lanka, en Inde et ailleurs. Nos efforts vont dans ce sens lorsque nous parlons des origines et des visages qui se trouvent derrière le travail. 

Actuellement, nous proposons un très beau coffret-cadeau qui illustre assez bien ce thème du thé et du voyage. Le coffret réunit dix thés de dix plantations différentes, avec un livret sur la dégustation du thé, sa préparation, sa provenance et le profil gustatif de chaque variété. J’adore ce produit car il est totalement représentatif de notre passion pour le partage du savoir, vous avez vraiment l’impression de « voyager à travers le thé ». 

Est-ce difficile de se maintenir au niveau du marché tout en restant centré sur un produit très spécialisé ? 

Je vois ça comme un atout. L’avantage d’être une entreprise ciblée est qu’elle est aussi très ouverte : nous proposons plus de deux cents sortes de thés, avec un thé pour chacun et différents marchés selon ce qui est consommé et vendu. Même si « techniquement » il ne s’agit que de thé, nous avons dans notre domaine de nombreuses opportunités de croissance, qui plus est dans un contexte de croissance du marché. C’est formidable d’arriver à ce résultat avec une marque spécialisée, forte de son savoir et de sa passion, en allant dans une direction unique avec un produit capable d’offrir une infinité de goûts. Grâce à notre standard de qualité exigeant, notre passion pour le thé et notre goût pour la transmission, nous avons une place vraiment à part sur le marché. 


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