Geoffroy Lambert, cofondateur de Driiveme, entre tech, IA et entrepreneuriat familial
À 36 ans, marié et père de trois enfants, Geoffroy Lambert (EDHEC Master 2011) est le cofondateur et CEO de Driiveme, qu’il a créé avec son frère aîné. Avec plus de cent collaborateurs, répartis entre Paris, Madrid et Londres, Driiveme fait partie de la sélection French Tech 120 et est aujourd’hui leader européen sur son marché. Rencontre avec cet entrepreneur EDHEC !
Quelle était l’ambition de départ quand vous avez lancé Driiveme ?
Notre ambition, au départ, c’était simple : créer une entreprise qui marche ! Issus d’une grande famille d’entrepreneurs, cela nous semblait assez naturel de nous lancer dans l’entrepreneuriat. J’ai cofondé Driiveme avec mon grand frère Alexandre, et l’aventure est rapidement devenue familiale : mon petit frère Constantin et notre cousin Trevor nous ont rejoints pour accompagner l’internationalisation. Aujourd’hui, Alexandre pilote toute la dimension technique – produit, IA et technologie –, tandis que je supervise les fonctions business, opérations, finances et RH. Basé à Madrid, Constantin coordonne désormais les Country Managers dans chaque pays, et Trevor occupe le rôle de Head of Sales Group.
L’idée de Driiveme est née d’un constat simple : chaque jour, des milliers de voitures sont transportées par camion pour être déplacées d’une ville à une autre. Ces voitures voyagent “à vide”, alors qu’elles pourraient très bien servir. On s’est dit : pourquoi ne pas les proposer à des particuliers à très bas prix ? Concrètement, tu peux par exemple faire un Lille–Paris en voiture pour 1 €. Tu réserves ton trajet sur Driiveme, tu ne payes que l’essence et les péages, et tu as entre 24 et 48h pour restituer la voiture à l’arrivée. Si tu veux, tu peux même embarquer des passagers en covoiturage pour amortir tes frais. C’est gagnant-gagnant : le loueur fait déplacer sa voiture, et le particulier bénéficie d’un moyen de transport ultra abordable.
Europcar est le 1er gros loueur qui nous a fait confiance, on a travaillé un prototype avec eux et on s’est lancés. Aujourd’hui, cette offre pour particuliers existe toujours, même si elle représente environ 5 à 10 % de notre activité.
Comment le modèle a-t-il évolué ?
Très rapidement, on a professionnalisé l’offre. Nos clients voulaient plus de fiabilité, de flexibilité et de volume. Alors on a constitué un pool de chauffeurs professionnels indépendants. On a vraiment digitalisé le convoyage automobile : aujourd’hui, nos chauffeurs prennent les voitures pour les livrer entre agences, entre des sociétés, entre des parcs logistiques, chez des clients, etc.
Cette offre est un réel succès car les acteurs du secteur (loueurs courte et moyenne durée, constructeurs, distributeurs, assureurs…) ont de plus en plus besoin d'agilité, de traçabilité, de pouvoir livrer une voiture qui a été louée ou achetée, de pouvoir rentrer dans les grandes villes, ce qui est assez contraignant et limité pour les grands camions d'un point de vue écologique. On déplace environ 300 000 voitures par an, à 95 % avec des chauffeurs pros. On est leader européen sur ce marché du transport à l’unité.
La tech et l’IA jouent un rôle clé chez Driiveme. Tu peux m’en dire plus ?
C’est vital pour nous. L’IA et la Tech nous permettent de grandir vite et bien, sans doubler les effectifs. C’est un levier d’efficacité énorme, et un vrai gage de qualité pour nos clients et nos chauffeurs. Pour ça, on automatise tout ce qui peut l’être. Aujourd’hui, 65 % des transports se font sans aucune intervention humaine. La plateforme gère toute la chaîne de production : un trajet peut être mis en ligne, réservé et opéré automatiquement, même quand l’équipe dort. Et ça change tout en termes de scalabilité.
On a développé nos propres outils, 100 % de notre tech est faite maison. On propose des API et interfaces pour nos clients, et une application complète pour nos chauffeurs : booking des missions, états des lieux digitaux, scan de documents, facturation… Tout est pensé pour simplifier leur quotidien.
Depuis deux ans, on va encore plus loin avec l’IA. Par exemple, on a créé un agent virtuel sur WhatsApp, “Aline”, qui répond automatiquement à 50 % des demandes des chauffeurs dans toute l’Europe : changement d’horaires, informations de mission, suivi, etc. C’est super concret.
Vous êtes labellisés French Tech 120 depuis deux ans. Qu’est-ce que ça change pour vous ?
C’est surtout une belle reconnaissance. Ça valorise le travail de nos équipes et crédibilise la marque auprès des clients, des partenaires, des investisseurs. Avant, les critères reposaient beaucoup sur les levées de fonds. Aujourd’hui, la rentabilité et la solidité du modèle comptent davantage. Et ça nous va bien, puisque nous avons toujours privilégié une croissance rentable plutôt que la course aux levées.
Chez Driiveme on n’a jamais levé d'argent au sens propre du terme. On a fait rentrer un fond d'investissement pour la première fois il y a 2 ans qui s'appelle ISAI, qui est un fond tech français. Ça s’est fait dans le cadre d'un LBO, avec une participation très minoritaire. Le fond n'a pas injecté de l'argent dans la boîte, il a racheté des parts des actionnaires dont je fais partie et mon frère aussi, c’est une opération plus patrimoniale. C'était l'opportunité d'avoir un fond à bord qui nous accompagne dans notre croissance et pour les grandes décisions : développement, recrutement, etc.
Et l’impact environnemental dans tout ça ?
C’est un sujet majeur. En 2024, Driiveme a réalisé avec Carbone 4 la plus grande étude européenne sur l'impact environnemental du convoyage. On mesure notre empreinte carbone en interne, et on accompagne nos clients à mesurer la leur. Le convoyage a souvent un impact plus positif que le transport par camion, surtout parce que les camions roulent souvent à vide ou partiellement chargés.
Nous, on optimise les trajets, on déplace de plus en plus de véhicules électriques, et on permet aux loueurs de mieux piloter leur flotte. Au final, ils peuvent servir le même nombre de clients avec moins de voitures.
En tant qu’entrepreneur, quels ont été tes plus grands défis ?
Il y en a beaucoup, mais je dirais que le vrai défi, c’est la détermination. L’entrepreneuriat, c’est un yoyo émotionnel. Certains jours, tu te sens au sommet, d’autres, tu doutes. Il faut être résilient et savoir prendre des décisions rapides, même quand elles ne sont pas faciles. Et je pense qu’il faut garder un lien fort avec le terrain et les clients, même quand la boîte se développe vite et fort. C’est ce qui évite de découvrir les problèmes trop tard !

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