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Entretien avec Thomas Arnaudo (Master 2013), cofondateur de 900.care

Interviews

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05/03/2025

Avec notamment son dentifrice en pastilles à croquer ou son gel douche en bâtonnet, 900.care dynamise depuis 2019 le marché de l’hygiène. Les produits, conçus dans les locaux de la jeune entreprise à Paris et fabriqués à Saint-Étienne, ont en commun de ne comporter ni eau (qui habituellement, constitue 80 à 90% des gels douche) ni perturbateurs endocriniens, en plus de jouer la carte de la recharge, et donc de faire table rase du plastique à usage unique. C’est aux consommateurs d’utiliser, dans un élan simple et ludique, l’eau qu’ils ont à leur domicile pour « compléter » la base solide et ainsi obtenir un article prêt à l’emploi. Thomas Arnaudo (EDHEC Master 2013), cofondateur de 900.care avec Aymeric Grange, explique les secrets de l’essor et de l’imprégnation de la marque auprès du grand public.

 

Comment résumerais-tu ton poste et tes responsabilités ?

Je donne de l'essence à la fusée 900.care, et je la fais aller le plus loin possible. Je m’assure que tous les rouages fonctionnent bien, en donnant beaucoup d'énergie aux équipes. C'est quelque chose d'essentiel quand on est un « leader » – un bien grand mot –, car on calque souvent son humeur sur celle de son N+1. Par rapport à mon associé Aymeric, qui vient du conseil et a une vision plus stratégique, je suis plus dans l’opérationnel. Je n’ai monté que des boîtes après mon diplôme, et donc j'ai une vision très terrain. On est hyper complémentaires et on se partage la responsabilité des différents départements : moi, plutôt les Ressources Humains, les Opérations, la Recherche et Développement (R&D) et la distribution physique – on distribue en grande surface depuis 6 mois –, et Aymeric, plutôt la finance, le site internet et l’acquisition sur les réseaux sociaux. Je suis quelqu'un de très positif. Je ne vois pas généralement de problèmes, mais plutôt des solutions et des challenges. C'est ce qui me galvanise tous les jours !

Tu parles d' « énergie », alors qu’est souvent évoquée ailleurs la « culture d'entreprise »…

Énergie et culture d’entreprise sont complémentaires. Aymeric et moi lisons beaucoup de biographies de fondateurs pour comprendre comment ils ont créé leur culture. C'est déjà important que les salariés aient des objectifs perso alignés avec les objectifs pro de l'entreprise. Ensuite, à nous de créer un cadre sur les valeurs de l'entreprise. On a par exemple 10 ways of working (pour tous) et 6 ways of coaching (pour les managers). Et enfin, on entretient cette flamme au quotidien, avec des rituels (non factices) qui garantissent une harmonie avec l'entreprise. Sinon, on aurait vite fait de ressembler à une autre entreprise ou de faire des choses qui ne nous ressemblent pas. Chez 900.care, on est maintenant un peu plus de 30, dont certains présents depuis plusieurs années. Tout le monde se connaît. Des piliers et des relais de la culture se créent, en plus des fondateurs de la boîte. Et tous les 6 mois, on se demande ce qu’il faut améliorer pour accompagner l’évolution de la société et notre hyper-croissance.

Comment 900.care réussit-elle à exister face à des géants de l'hygiène déjà bien installés ?

On n'a en effet pas choisi le secteur le plus facile ! L’hygiène et la beauté sont dominés par des leaders comme L'Oréal, Unilever et P&G sur certaines catégories, avec des gens très bons. On a certes moins de budget qu’eux, mais l'argent peut parfois être un handicap sur la créativité, l’originalité et la réactivité. 900.care a toujours fait les meilleures choses quand elle était dos au mur. Faire aussi bien que les leaders ne permet pas d’émerger. Il faut donc créer des équipes encore plus smart, bien choisir ses sujets et les réussir de manière exceptionnelle. Notre plateforme de marque nous ressemble beaucoup à Aymeric et à moi. Pragmatique et joyeuse, elle ne se prend pas au sérieux. On en avait marre d’entendre parler d'écologie moralisatrice qui rend pessimiste. On recrute des personnes curieuses, qui n'ont pas peur de prendre des risques, le type de personnes avec qui on arrive à créer un « David » conquérant contre les « Goliath ».

Et une fois qu’on existe, comment émerge-t-on par rapport aux leaders ?

On émerge auprès du consommateur grâce à nos produits, vraiment innovants. On n'a pas pris un produit déjà existant auquel on aurait ajouté un claim marketing. Mais il faut être dans le bon canal pour parler d'innovation, et les meilleurs qu'on ait trouvés pour émerger, ce sont l’e-commerce et les réseaux sociaux. Il ne faut pas faire de la pub pour faire de la pub. On est allés à l'encontre des marques et de Meta, qui recommandaient les vidéos très courtes. On s'est fait connaître grâce à des vidéos longues, où on expliquait le concept et notre démarche (jusqu’à la chaîne de valeur 900.care), et notre communauté est devenue de plus en plus importante. Les consommateurs adorent cette transparence. Grâce à ces vidéos vues des millions de fois, on a pu se lancer en grande distribution, là où les gens vont vraiment au quotidien.

Quel rôle concret a joué la communauté 900.care ?

Elle a été primordiale dès le début, avant même qu’on ait notre logo ! 900.care existe depuis 2019, mais ne commercialise que depuis 2021. Pendant 1 an et demi, on a fait de la R&D sur les produits, qu’on a fait tester sous forme d’échantillons envoyés gratuitement – d’abord à une centaine de personnes recrutées via Facebook, puis à plusieurs milliers. Au moment de nos campagnes de crowdfunding sur Ulule et KissKissBankBank, notre communauté avait déjà essayé plusieurs versions de ces produits. Ce n'est pas la campagne de crowdfunding qui crée la communauté ! Notre communauté a commencé, en plus, à acheter nos produits, – assez cher, car nos coûts de production étaient élevés, au vu des petites quantités. Avec le volume, et grâce à eux, on a baissé les prix de 6€ à 3€50, pour finir aujourd’hui à 2,49€ pour le gel douche. On continue aujourd’hui de lui faire tester des nouveaux variants de produits, avec de nouveaux ingrédients, parfums et textures.

Dans votre processus industriel, est-ce si différent de travailler sans eau dès le départ ?

La typologie d'ingrédients est à peu près la même dans un bâtonnet de gel douche que dans un gel douche classique avec de l’eau. Après, c'est la qualité des ingrédients qui diffère. En revanche, dans le processus industriel, on n'a pratiquement que des matières solides, et ne pas utiliser d’eau est beaucoup moins énergivore. On compresse juste de la poudre, ce qui crée beaucoup moins de déchets. D'ailleurs, se fournir en matières solides est plus compliqué car la filière est un peu moins développée que pour les formats liquides. Notre usine à Saint-Étienne n'a ni eau ni plastique, elle est 15 fois plus petite qu'une usine de gels douche « classique ». On n'est pas non plus soumis au problème de stress hydrique, qui touche certaines régions de France et oblige des usines à fermer plusieurs jours pour éviter de consommer l'eau des villages. On sait en tout cas qu’on ne fera jamais de compromis sur la santé. Notre cosmétologue a une blacklist très exhaustive d’ingrédients nocifs.

Vous vous étiez déjà lancés en 2021 chez Monoprix, mais sans succès. Qu’est-ce qui a changé pour la grande distribution aujourd’hui ?

En 2022, on était beaucoup plus chers et personne ne nous connaissait, différence majeure par rapport à aujourd’hui. En plus, notre merchandising n'était pas du tout adapté au retail. Avec notre positionnement grand public, notre prix doit être le plus compétitif possible, et on continuera à le baisser s'il le faut, pour faire naître le déclic écologique dans toutes les familles. L'écologie doit être accessible à tous, pas seulement à une catégorie de la population qui peut se le permettre. C'est comme ça qu'on aura un vrai impact et qu'on a pensé 900.care dès le début. Leclerc, Carrefour, Système U, Intermarché nous reçoivent avec plaisir car il y a eu finalement peu d'innovations dans le rayon hygiène ces 40 dernières années. Dans les premiers magasins, ça cartonne, et les distributeurs se passent le mot. Tant mieux si les vraies écorecharges réussissent à avoir plus de place en magasin et permettent de réduire déjà le plastique des industriels. Que les directeurs d'hypermarché parmi les alumni EDHEC n'hésitent pas à me contacter s’ils pensent que les produits 900.care ont toute leur place dans leurs rayons ! 

Arrive-t-on à résoudre l’équation entre consommer durable et adopter des gestes écologiques ?

Je suis persuadé que pour agir écologiquement, on doit garder le même plaisir et ne pas payer plus cher. C'est malheureusement un peu utopique de se dire que la clé d'entrée est l'écologie ! Il y a certes le savon pour remplacer le gel douche, mais il faut proposer une alternative aux 6 septièmes du marché qui utilisent du gel douche, sans changer leur quotidien et sans baisser leur pouvoir d'achat. Ce n'est pas parce que le produit est aussi bien (voire mieux), aussi sensoriel que les grandes marques, que les gens vont switcher. On est obligés de faire mieux en naturalité, en fabrication, en impact écologique, et au meilleur prix. Quand demain on atteindra les mêmes volumes que les grands industriels, alors on pourra être même moins cher qu’eux  Une autre voie est peut-être de légiférer pour tous les acteurs du secteur. Une idée consisterait, par exemple, à instaurer une « TVA verte », plus faible pour les produits fabriqués en France ou plus écoresponsables, ce qui permettrait au consommateur d'acheter potentiellement moins cher des produits qui polluent moins. 

 

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