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Entretien avec Théophile Armand (MBA 2016), General Manager du site first mile français d’Amazon

Interviews

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04/02/2025

Ouvert en 2020, le site Amazon de Senlis (Oise), qui emploie près de 3000 collaborateurs, est le seul en France à réceptionner les produits des vendeurs tiers pour les répartir dans les différents centres français de distribution d’Amazon (eux-mêmes derniers lieux de stockage avant la livraison aux clients finaux qui ont effectué leur commande en ligne). Théophile Armand, diplômé du Global MBA EDHEC, en est le General Manager depuis le premier jour. Discussion logistique, Tech et management sur cette porte d’entrée privilégiée des fournisseurs d'Amazon dans l’Hexagone...

Comment résumerais-tu ton poste et tes responsabilités actuelles ?

Je m’occupe du flux opérationnel et logistique de ce site dit « first mile » (« tout premier kilomètre »), qui brasse un volume très important. Mes priorités sont d’offrir un cadre de travail sûr et moderne, ainsi que des opportunités de développement de carrière aux collaborateurs qui travaillent sur le site, d’assurer la qualité et le débit du site, et de répondre à la demande client. J’occupe également d’autres missions, notamment de relations publiques externes (préfets, maires, présidents des communautés de communes, députés, partenaires et transporteurs), et je contribue à des projets internationaux (déplacement d’activité d’un site à un autre, remise aux standards de sites…). Et depuis 1 an, je suis également formateur pour tous les nouveaux directeurs de sites Amazon dans le monde.

Qu’implique la diversification d’Amazon sur les sites first mile et de stockage ?

Nous réévaluons en permanence notre réseau logistique, et les opportunités de développement vont de l'amélioration des sites actuels à l'extension, voire à la création, de nouveaux sites. Nous travaillons avec deux types de sites de stockage, selon la dimension des produits. Un fournisseur proche d'un site de stockage livrera en priorité ce site plutôt que le nôtre. La valeur ajoutée d'un site first mile est de positionner exactement le bon nombre d'articles à proximité des clients, et donc de répondre à la demande de livraison le plus rapidement possible, parfois même dès le lendemain (y compris le dimanche). Par exemple, la crème solaire sera stockée à Montélimar plutôt qu’à Lille car les ventes y seront statistiquement plus fortes. La force d'Amazon est sa capacité à anticiper et à ajuster les stocks automatiquement d'un site à l'autre, grâce à l’analyse des données.  Nous savons où se trouve l'article, quand il arrive sur le site de stockage, et à quel moment il doit être expédié au client. Et nous pouvons réajuster instantanément nos camions en transit entre les sites. Absolument tout démarre du client. Les sites doivent avant tout être près d’eux, et donc des grandes villes.

Les grandes villes ne sont-elles pourtant pas plus, par nature, à même de faciliter l’accès aux produits que les zones rurales ?

C’est en Île-de-France, sur une petite surface de plus de 12 millions d'habitants, que la concurrence est la plus rude. Dans les parties moins denses de la France, il faut fournir le même nombre de personnes sur une surface géographique plus importante. Beaucoup de gens commandent sur Amazon pour éviter de faire une demi-heure de route pour trouver un magasin où ils ne sont même pas sûrs de trouver ce qu’ils recherchent. À Paris, on peut aller n'importe où, mais on préfère se faciliter la vie. On peut notamment se faire livrer dans une station de métro (dans un point de retrait Amazon Locker), en rentrant du travail. L’e-commerce permet de stimuler la demande en créant des opportunités nouvelles pour les consommateurs, les TPE, PME et les territoires. Dans certains pays, nous arrivons à livrer le jour même. Pourquoi pas ici ? Peut-être sur un échantillonnage plus petit, sur un mode de livraison différent. 

Tu parlais de formation dans tes responsabilités. Comment intervient-elle dans ton quotidien ?

La formation est un élément-clé, à tous les niveaux. Amazon a récemment annoncé un investissement de 50 millions d'euros pour former ses salariés en France d'ici à 2030. Dans nos opérations logistiques, nous recrutons sans condition d’expérience pour les postes de préparateurs de commande. Ce qui nous intéresse, chez les personnes que nous recrutons, c’est le potentiel futur plutôt que l’expérience. Nous avons créé notre premier CFA en 2024, mais proposons depuis déjà plusieurs années, avec l'« École Amazon », des formations diplômantes de niveaux Bac et Bac +2 reconnues par l’État. L’an dernier, sur le site de Senlis, près d'une centaine de salariés ont évolué en interne, tous niveaux confondus. Depuis mon arrivée chez Amazon, en stage après mon MBA, j'ai eu un parcours très intense et divers, avec beaucoup de challenges. J'ai par exemple ouvert le site de Senlis en plein confinement COVID. Je n'avais jamais vu, sauf à l'hôpital, un système de distanciation sociale aussi performant. Des équipes espagnole et allemande nous ont formés dès la fin septembre. Il a donc fallu monter très vite en compétence avant Noël. On ne réussit pas des choses pareilles si on ne recrute pas des équipes motivées, engagées, développées, qu'on continue à former tout au long du parcours.

Comment a évolué ton site first mile de Senlis depuis 2020 ?

En passant en 4 ans de 200 salariés à presque 2000 (sur les 3000 du site), Amazon est devenu un acteur majeur de la vie sociale et économique de l'Oise. En parallèle, nous avons investi massivement dans la technologie pour aider à la manutention et au déplacement des charges lourdes, grâce à des bras articulés et à des machines de tri. Nous additionnons la technologie et l'embauche grâce à des emplois plus qualifiés et évolutifs. La machine ne peut pas fonctionner sans l'homme, et l'homme ne peut pas fonctionner aussi bien sans la machine, si nous voulons garantir sécurité, qualité et fiabilité dans l'envoi des colis. Dans mon poste, j'ai la chance de pouvoir faire autant de technologie que d'humain, et très souvent, l'amélioration vient de l'utilisateur de la machine lui-même. Les meilleures remontées du terrain viennent de nos opérateurs, qui se sont approprié cette technologie. Notre Laboratoire d’Innovation Amazon, en Italie, travaille justement à créer de nouvelles machines et à faire des tests. Mais nous utilisons aussi des technologies d'autres logisticiens, adaptées à notre volume.

En 2025 Amazon fêtera ses 30 ans. De quoi le futur sera-t-il fait ?

Ce sera aussi les 25 ans d’Amazon France, et les 5 ans du site de Senlis ! L’incroyable chemin des 25 dernières années en France nous incite à continuer à innover pour nos clients, vendeurs partenaires et collaborateurs. Notre capacité de flexibilité va sûrement être démultipliée pour proposer à nos clients un catalogue toujours plus large de produits au meilleur prix, avec la meilleure expérience de livraison et l’impact environnemental le plus limité possible. Amazon a d’ailleurs signé un engagement de neutralité carbone sur l’ensemble de ses activités d’ici à 2040. Nous avons réduit le poids moyen de nos emballages de 43 % par expédition depuis 2015, limitons au maximum le nombre de kilomètres, maximisons le taux de remplissage des camions et utilisons des modes de transport alternatifs, comme la péniche. Nous allons par ailleurs permettre à nos vendeurs partenaires en France (comptant parmi eux 16 000 PME) de poursuivre leur croissance, en particulier à l’export, grâce à des solutions à base d’intelligence artificielle qui les aideront dans leur quotidien.

Amazon ne constitue-t-il pas une menace pour les commerçants de proximité ? Sachant qu’on peut acheter en une seule commande en ligne, un aspirateur, un livre et un film ?

Je ne considère pas les petits commerces comme des concurrents d'Amazon. Au-delà de la clientèle, il faut regarder la valeur ajoutée de l’expérience client. Un petit commerçant qui possède une boutique accueillante, propose des produits locaux, offre un échange avec les vendeurs, permet une interaction avec les produits – les conseils avisés d’un libraire, notamment –, ou toute autre forme de différenciation, aura toujours un avenir face à Internet. Amazon propose une autre expérience : le choix, le prix, la rapidité. Le petit commerçant apporte aujourd’hui quelque chose de différent ou de complémentaire à Amazon. La loi du commerce repose, depuis toujours, sur l’aspect fidélisant (ou non) de la première expérience.

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