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Écrire pour transmettre : la reconversion audacieuse de Sacha El Baz

Interviews

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19/11/2024

De la Tech à l’écriture, le parcours de Sacha El Baz ne suit pas les sentiers battus. Sacha a choisi de quitter un secteur en pleine effervescence pour se consacrer à une activité plus intime : la rédaction de biographies familiales. Ce changement, fruit d’un profond questionnement personnel, s’inscrit dans une quête de sens et d’humanité. Avec une approche qui lui est propre, il capture et transmet la mémoire des familles. Rencontre avec un entrepreneur au parcours audacieux.

Peux-tu nous parler de ton parcours avant de te lancer dans la biographie familiale ?

Sacha El Baz : Après mon double diplôme à l’EDHEC et la London School of Economics en 2017, j’ai pris un an et demi pour voyager, apprendre l’hébreu et le portugais, et réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie. Ensuite, j’ai intégré Facebook, d’abord à Dublin, puis à Paris, où j’ai géré la partie Business Education pour plusieurs pays d’Europe du Sud. A 27 ans j’étais le plus jeune membre du Comité de Direction de Facebook France ! C’était une expérience très enrichissante. Après cela, j’ai quitté Paris pour rejoindre une startup de cybersécurité à Tel Aviv. Mais en 2022, tout a changé : un licenciement économique, la perte de mon grand-père et un profond questionnement sur ma carrière m’ont amené à me demander ce que je voulais vraiment faire des prochaines décennies.

J’ai alors décidé de suivre mon intuition et de lancer une entreprise d’écriture de biographies familiales.

Pourquoi ce choix de la biographie familiale, et pourquoi avoir quitté le monde de la tech ?

Sacha : En parallèle de mes études à la LSE, j’avais écrit l’histoire de mes parents et de mes grands-parents. Ce travail m’avait passionné, et il touchait à ce qui m’animait, et m’anime encore profondément : la transmission de la mémoire, l’écriture et l’émotion.

La mémoire, c’est un trésor inestimable. Quand une personne disparaît, ce sont aussi des pans entiers d’histoires, de souvenirs et de savoirs qui s’en vont. Quand mon grand-père est décédé, j’ai ressenti une grande tristesse, mais aussi une forme d’apaisement, car j’avais entre les mains le livre de sa vie. Cela m’a confirmé l’importance de préserver les récits des proches, j’étais (et je suis toujours) convaincu que toutes les familles ont une histoire à raconter.

Quant à la tech, quitter ce secteur et ses promesses de confort financier a été un choix à contre-courant. Je venais d’un univers où tout allait très vite, où la croissance, les levées de fonds et les grandes ambitions étaient la norme. Mais j’ai senti que je voulais ralentir, créer quelque chose de plus personnel, de plus humain. Les biographies permettent cela : elles touchent à l’intime et au sens profond de nos vies.

Comment se déroule un accompagnement avec toi ?

Sacha : Le processus se déroule en quatre grandes étapes sur six à huit mois. Tout commence par un travail préliminaire : je propose à la famille un questionnaire détaillé d’une cinquantaine de questions pour rassembler des informations factuelles. Cela va des dates et lieux marquants aux anecdotes familiales, en passant par leurs attentes sur le style d’écriture et les personnes à interviewer. Plus les familles participent activement, plus le projet prend forme dès le départ.

Ensuite, on entre dans la phase des entretiens, qui est la plus immersive. Je rencontre les membres de la famille pour des discussions approfondies. Ces entretiens sont enregistrés et se concentrent sur les souvenirs, les émotions et les anecdotes marquantes. L’objectif est d’aller au-delà des faits pour capter la chaleur humaine, les « vibrations » et les subtilités de chaque histoire. C’est une phase très forte, car elle permet souvent de raviver des souvenirs précieux et de créer des moments de partage uniques entre générations.

La troisième étape est l’écriture. Je propose des versions intermédiaires toutes les deux ou trois semaines afin de recueillir les retours de la famille. Cela permet de s’assurer que le récit leur correspond à 100 %. Enfin, la dernière étape concerne la mise en page et l’impression. Je collabore avec une graphiste pour concevoir un livre sur mesure, élégant et intemporel, souvent relié et imprimé avec des finitions haut de gamme.

Quels sont les effets de ce travail sur les familles ?

Sacha : Ce qui me touche, c’est que ce n’est pas juste un livre, c’est une expérience. Pendant les six à huit mois que dure l’accompagnement, la famille se replonge dans son histoire et trouve une occasion rare de dialoguer et de se redécouvrir. Ce projet agit comme un fil conducteur qui rassemble toutes les générations : grands-parents, parents, enfants, petits-enfants… Ils participent chacun à leur manière, que ce soit en racontant leurs souvenirs ou en apportant des photos et des documents. Beaucoup me disent que cela renforce les liens familiaux et que cela agit presque comme une thérapie. Je ne suis pas thérapeute, mais le fait de poser les choses par écrit, de revisiter les moments marquants de leur vie, permet souvent de tourner des pages ou de pacifier certaines relations. Le résultat est un livre qui célèbre les aspects positifs, un « happy book » qui reste comme un trésor pour les générations futures.

Être une personne extérieure permet d’instaurer une relation de confiance mêlant intimité et professionnalisme. Cette approche, essentielle pour capter les récits familiaux, est beaucoup plus difficile à appliquer avec ses propres proches. J’ai constaté, en travaillant avec ma famille puis avec d’autres, qu’il est bien plus simple de confier cette tâche à un tiers. Avec un professionnel, il n’y a pas les enjeux psychologiques, familiaux ou de pudeur qui peuvent freiner les échanges au sein d’une famille.

Et quel impact ce métier a-t-il sur toi ?

Sacha : Cela m’a appris à relativiser et à mettre le travail à sa juste place. Accompagner des familles dans un tel projet me rappelle sans cesse l’importance de ce qui compte vraiment : les relations humaines, le partage et la transmission. Je me sens aussi privilégié de pouvoir contribuer à la société de cette manière, en facilitant le dialogue entre les générations et entre les membres d’une même famille. En écrivant pour des familles aux origines diverses, je découvre une richesse culturelle et humaine incroyable.

Quel a été ton plus grand défi dans cette reconversion ?

Sacha : Écouter mon intuition et m’y tenir malgré les vents contraires. Ce n’était pas évident, car même mes proches doutaient de ce choix. J’avais quitté un job très bien payé pour un projet que beaucoup trouvaient risqué. Mais j’étais convaincu qu’il y avait une vraie valeur à créer ces biographies, même si la demande semblait inexistante au départ. Cela a été une période assez difficile : j’ai vécu sur mes économies, travaillé sans relâche pour établir ce projet. Mais je savais, au fond de moi, que ce que je faisais avait du sens. Aujourd’hui, voir les regards émus des familles en découvrant leur livre me confirme que ça valait le coup.

Un dernier mot pour ceux qui hésitent à changer de voie ?

Sacha : Suivre son intuition demande du courage, mais c’est une expérience profondément gratifiante. Dans un monde où la mode est aux startups et aux levées de fonds, j’ai choisi un chemin atypique, mais qui me ressemble vraiment. C’est un choix difficile, mais qu’on ne peut pas regretter.


Depuis la création des Biographies Nativ, Sacha a déjà accompagné plus de 25 familles dans cette aventure immersive riche en émotions.

=> Pour en savoir plus : https://linktr.ee/bionativ 

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