A quand plus de femmes dans les conseils d'administration ?
La loi sur la parité impose aux sociétés cotées et aux grosses PME non cotées de féminiser leur conseil d'administration. Que vous soyez visés ou non par cette nouvelle disposition, profitez-en pour moderniser vos instances de décision. Votre image et votre réputation en seront renforcées.
Par Corine Moriou pour LEntreprise.com, publié le 30/01/2013 à 17:02
La loi Copé-Zimmermann, adoptée le 13 janvier 2011, oblige les sociétés cotées à avoir, dans leur conseil d'administration ou de surveillance, au moins 20 % de femmes administratrices d'ici à janvier 2014 et 40 % d'ici à janvier 2017.
Gilles Rapaport
Karina Sebti, une jolie brune au regard franc, vient de débarquer au conseil d'administration d'Aedian, une société de conseil en management et systèmes d'information. Une première dans un board jusqu'ici exclusivement masculin. Mais ce n'est pas tout à fait un hasard !
Au contraire, c'est une décision mûrement réfléchie. "Nous avons souhaité nous mettre en conformité avec la loi sur les quotas de femmes administratrices", reconnaît Stéphane Morvillez, directeur général et administrateur d'Aedian. L'entreprise est cotée à Euronext Paris et emploie 410 collaborateurs, dont 42 % de femmes.
Une démarche exemplaire, que toutes les sociétés visées par la loi Copé-Zimmermann, adoptée le 13 janvier 2011, ne sont pas prêtes à suivre. Rappelons que cette loi oblige les sociétés cotées à avoir, dans leur conseil d'administration ou de surveillance, au moins 20 % de femmes administratrices d'ici à janvier 2014 et 40 % d'ici à janvier 2017. Mais attention : les sociétés non cotées de plus de 500 salariés et ayant un chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros doivent également respecter le ratio de 40 %, sans qu'il y ait de palier intermédiaire d'ici à 2017. Au total, environ 2 700 sociétés en France seraient concernées.
Pour des raisons d'image et de visibilité, les entreprises du CAC 40 ont rapidement mis en oeuvre cette nouvelle disposition qui figure dans le code de gouvernement des entreprises Afep-Medef. "Au 30 juin 2012, la part des femmes administratrices dans les sociétés du CAC 40, était de 23,7 %, contre 8 % en 2006. La loi a donc nettement fait progresser leur présence dans les conseils des grandes entreprises", note Guy Le Péchon, dirigeant du cabinet Gouvernance & Structures. Au hit-parade des bons élèves : Publicis, avec 44 % d'administratrices. Elisabeth Badinter, présidente du conseil de surveillance, a sans doute eu une influence sur la promotion des femmes. Et comme le rappelait Maurice Lévy, PDG de Publicis, au Women's Forum à Deauville : "La publicité cible avant tout des consommatrices. Parmi celles-ci, de nombreuses femmes travaillent et occupent des postes à responsabilité." A l'opposé, EADS et STMicro-electronics sont pointées du doigt, car ces sociétés n'ont toujours pas nommé de femmes.
N'attendez pas la date butoir
Autant dire que l'on a vite fait de passer pour un ringard misogyne si l'on n'est pas en conformité avec la loi ! Aujourd'hui, les femmes représentent 41 % des cadres en France, mais elles ne sont que 17 % à remplir des fonctions de direction. Sur l'ensemble des sociétés ciblées par la loi Copé-Zimmermann, les femmes qui occupent un fauteuil (ou un strapontin) d'administratrice dans une ETI - entreprise de taille intermédiaire de 250 à 5 000 salariés - font figure de pionnières. La loi sur la parité est l'occasion pour les chefs d'entreprise de réfléchir à la composition de leur conseil d'administration ou de surveillance et de montrer leur modernité. Aedian a suivi les recommandations du code de gouvernement des entreprises de MiddleNext, association professionnelle française qui représente les valeurs moyennes et petites (VaMPs) cotées en Bourse. "L'une des recommandations est de nommer deux membres indépendants dans son conseil dès lors qu'il y a déjà cinq administrateurs, précise Stéphane Morvillez. Nous avions un administrateur indépendant et nous avons décidé de choisir une administratrice indépendante qui exerce un métier connexe au nôtre : directrice associée chez Robert Walters. Il nous faudra nommer une deuxième femme d'ici au 1er janvier 2014 pour respecter le quota de 20 %".
D'autres ETI, comme Les Grands Moulins de Strasbourg ou le club de football l'Olympique lyonnais, ont féminisé leur conseil d'administration sans attendre la date butoir. On les cite en exemple et c'est bon pour leur image... et leur business. "Si une société n'a pas appliqué les quotas, la nomination des administrateurs hommes sera nulle et les jetons de présence des membres du conseil gelés", prévient Guy Le Péchon. Toutefois, le consultant déplore qu'il n'y ait pas de palier pour les sociétés non cotées qui devront se conformer au seul objectif d'un quota de 40 % en janvier 2017. "Ces entreprises ont tout intérêt à commencer dès à présent à féminiser leur conseil", estime-t-il avec bon sens.
Si les entrepreneurs ont pris conscience de cette urgence, ils s'aperçoivent qu'il n'est pas simple de trouver une femme d'un autre "genre", bref une femme idéale... qui n'est ni leur mère ni leur épouse. "Il faudrait un vivier de 3 000 femmes administratrices. Or, nous sommes loin du compte, constate Viviane de Beaufort, professeure et créatrice du programme de formation Women Be European Board Ready, à l'Essec. Il y a une pénurie de femmes correspondant aux critères recherchés par les chefs d'entreprise. Mais ils ne doivent pas non plus pister la brebis à cinq pattes dont ils n'étaient pas en quête lorsqu'ils nommaient un homologue masculin."
Caroline Weber, directrice générale de MiddleNext, ne mâche pas ses mots : "La loi Copé-Zimmermann est stupide ! On est allé trop loin en fixant un quota de 20 %, puis de 40 %. La plupart des chefs d'entreprise recherchent des femmes PDG ou directrice générale. Ils veulent des alter ego dans leur conseil et peinent à les trouver. Le système est perverti. Pour respecter le quota, des sociétés cotées et non cotées réduisent le nombre de postes d'administrateur. Elles virent des mecs, et ceux-ci sont fous furieux ! Par ailleurs, des sociétés anonymes non cotées se transforment en SAS. Ainsi, elles n'ont plus l'obligation de se conformer à la loi."
Mais ces pratiques n'illustrent-elles pas la mauvaise volonté de la gent masculine ? A cela Viviane de Beaufort répond : "Les patrons de PME doivent accueillir des profils variés comme des avocates, des DRH, des ingénieures. Et pourquoi pas des philosophes, des médecins, des physiciennes ? De la diversité peut jaillir de la créativité, de l'innovation et du business."
On constate toutefois que certains dirigeants d'entreprises familiales choisissent leur épouse ou des membres de leur famille. Un chef d'entreprise a même nommé sa mère de 82 ans au conseil d'administration de sa société. Des exemples à ne pas suivre !
Sept conseils pour recruter votre administratrice
Viviane de Beaufort, professeure à l'Essec, coauteure du guide Administrateur (e) au féminin, édité par European PWN Paris, nous livre quelques pistes.
1. Définissez vos principales orientations stratégiques
L'administratrice peut vous apporter son aide dans un secteur que vous souhaitez développer. Ainsi, si vous voulez exporter en Chine, privilégiez une femme qui a une expérience avec ce pays.
2. Choisissez une femme de plus de 50 ans
De manière idéale, cela peut être une ancienne directrice générale en période de transition. S'il s'agit d'une dirigeante salariée, elle doit avoir l'autorisation de son employeur pour exercer un mandat dans votre entreprise.
3. Préférez une diplômée
Préférez une femme diplômée d'une grande école ou Bac + 5. N'excluez pas les cadres supérieurs, professions libérales, universitaires ou scientifiques.
4. Vérifiez ses qualités relationnelles
Faites en sorte que les membres du conseil rencontrent la candidate et donnent leur accord. S'il n'y a pas de consensus, celle-ci sera rapidement rejetée.
5. Prévoyez des jetons de présence à la hauteur de l'effort requis
Prévoyez des jetons de présence qui rémunèrent une moyenne de 20 jours de travail par an. Il faut compter de 10 000 à 20 000 euros dans une ETI, contre une moyenne de 68 000 euros dans les sociétés du CAC 40.
6. Puisez dans le vivier des candidates
Adressez-vous à l'Essec, l'IFA et MiddleNext qui ont mis en place des formations spécifiques.
7. Faites appel à un chasseur de têtes
> Des cabinets comme Giudicelli International et Aliath sont spécialisés dans la chasse de têtes pour les ETI-PME.
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