"Le travail après le confinement", par Gaël Chatelain-Berry (EDHEC Master 1992)
Gaël Chatelain-Berry (EDHEC Master 1992) est écrivain (entre autres de Mon boss est nul, mais je le soigne ou Je me trouve nul(le), mais je me kiffe) conférencier et chroniqueur pour Psychologies Magazine et LCI. Il analyse dans un article LinkedIn les métamorphoses du lieu de travail et de l'activité professionnelle à l'heure du déconfinement. Si vous voulez faire profiter les Alumni de votre expertise, n'hésitez pas à publier sur le groupe LinkedIn EDHEC Alumni.
« Tous les pays déconfinent petit à petit. Pour la France, ce sera, sauf contrordre, le 11 mai, sauf contrordre" : Déconfinement anxiogène pour certains, source de joie pour d’autres comme le montrait le sondage réalisé pour mon blog la semaine dernière.
Moi-même… je suis partagé. Cela dépend des jours et, surtout, du niveau d’information que j’ai sur le déconfinement. La peur vient souvent de ce que l’on ne connait pas, de ce que l’on ne maîtrise pas.
Actuellement, j’ai lancé un sondage sur le niveau d’information dans les entreprises et les premières tendances sont plutôt mauvaises, très mauvaises. Moins de 30% des salariés estiment que leur entreprise les a parfaitement informés sur l’après 11 mai. À cela, deux explications possibles :
- Soit les entreprises ne communiquent pas sur le plan de déconfinement qu’elles ont préparé : facile à changer
- Soit elles ne savent pas ce qui va se passer : urgent de se préparer
Une chose est absolument certaine : rien ne sera comme avant le 17 mars, date du début du confinement.
Bien entendu, le télétravail va prendre une place centrale. Seulement 16% des entreprises ont des accords de télétravail. Mais, depuis les ordonnances Macron, nul besoin d’un accord d’entreprise pour faire du télétravail : un simple mail à sa hiérarchie suffit. Jusqu’à ce qu’un vaccin soit trouvé, le télétravail est essentiel :
1- Pour des raisons sanitaires
2- Pour notre bien-être. Nous allons enfin connaître le vrai télétravail, celui qui est choisi, pas à 100% nécessairement et, surtout, pas avec le petit dernier qui va jouer aux cowboys et aux indiens pendant votre visioconférence !
Il sera important de faire des plannings de télétravail. En effet, tout le monde ne peut être en télétravail en même temps au même titre que tout le monde ne pourra être en présentiel en même temps. IMPORTANT :
Exemple : le service marketing (10 personnes) et le service commercial (10 personnes). Ces deux services interagissent beaucoup. Comment faire ?
Semaine 1 :
- Lundi : 3 personnes du marketing, 3 du commercial
- Mardi : 10 personnes du marketing : il faut retrouver du présentiel d’équipe. Il est fondamental de recréer un lien, en vrai et, surtout, s’assurer que tout le monde va bien psychologiquement.
- Mercredi : 3 personnes du marketing, 3 du commercial
- Jeudi : 10 personnes du commercial
- Vendredi : 4 personnes du marketing, 3 du commercial
Au lieu d’avoir 100 trajets dans la semaine il n'y en aura que 40 ! Bien entendu, le niveau de présentiel peut se caler sur 30% ou moins.
« Il n'est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage », Périclès
S’organiser, c’est LA solution pour réussir le déconfinement. D’ailleurs, au passage, un grand bravo aux entreprises comme Veolia (test + prise de température). Bien entendu, ce n’est pas un passeport pour oublier les gestes barrières, mais cela fonctionne pour faire baisser le niveau d’anxiété de savoir que son voisin de bureau n’est pas contaminé.
Les managers vont jouer un rôle essentiel dans la réussite, ou non, du déconfinement.
Le 11 mai, ce n’est pas comme si l’on revenait d’un week-end prolongé. 47% des salariés ont des symptômes de dépression, et il va falloir gérer ça ! LA PREMIÈRE CHOSE À FAIRE : se raconter son confinement. Il faut que chaque membre de l’équipe puisse partager son expérience, sa vision de ces deux mois, puis parler de ses émotions actuelles, parler de ses craintes, remonter ces craintes. Idéalement, il faudrait faire, cette semaine ou dans les jours suivants le déconfinement, un bilan social en utilisant des outils numériques extrêmement simples comme Zest ou SuperMood. Chaque entreprise doit connaître en priorité l’état psychologique de ses équipes. Il ne faut pas tomber à bras raccourcis sur les équipes pour « rattraper le retard ». ON NE LE RATTRAPERA PAS !
L’angoisse des salariés est forte de se voir mettre une énorme pression. Les entreprises qui vont faire cela courent plusieurs grands risques :
- Démotivation immédiate. Une voiture qui n’a pas roulé depuis des mois, mieux vaut faire une petite révision avant de faire un long trajet si l’on ne veut pas tomber en panne au bout de 10 km. Il en va de même pour un salarié. Exiger une reprise à 100%, comme si rien ne s’était passé, c’est irréaliste ET dangereux.
- Explosion des démissions : un grand nombre de salariés veulent changer d’orientation et une entreprise qui ne se montrerait pas bienveillante court le risque d’augmenter cette tendance.
Aujourd’hui plus que jamais, nous réalisons que l’humain est au centre de TOUT, littéralement. La vague de suicides chez France Télécom et Renault en 2008 a été une première étape, la pandémie enfonce le clou : sans salarié en bonne santé, rien n’est possible ; sans salarié performant à tous les niveaux hiérarchiques, rien n’est possible.
L’un des grands défis est qu’il va falloir lutter contre les peurs, certaines rationnelles, d’autres non ! La parole de l’entreprise sera essentielle ! Idéalement, si ce n’est pas fait, il faut communiquer cette semaine sur la façon dont l’entreprise va prendre soin de ses salariés, ne pas les mettre en danger.
Et pour ce faire, il va falloir que tous les salariés sachent très concrètement comment le retour au bureau va se passer :
- Désinfecter les bureaux tous les jours
- 4 mètres carrés par salarié ou masque obligatoire
- Remise en cause du flexoffice ? Au moins pour un temps
- Horaires décalés
- Ascenseur ? Comment faire si l'on travaille au 40e étage d'une tour ?
- Salles de réunion ?
- Couloirs ?
- Cantines
- La question de la climatisation
Se protéger contre le coronavirus est possible ! Cela dépend de nous.
Je vous engage à aller lire le Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la sécurité et la santé des salariés, vous y trouverez toutes les bonnes pratiques à mettre en place au plus vite.
Même aller à la cantine est envisageable. Regardez ce que font les Coréens.
Parler, former les équipes (en présentiel ou par des wébinaires), désigner un responsable déconfinement par équipe… autant de choses qui feront que nous allons y arriver. Le virus ne vous sautera pas dessus sans prévenir si vous respectez tous les gestes barrière à la lettre. Je crois que l'urgence absolue est d'oublier nos peurs en étant certain que notre comportement est exemplaire.
Gaël Chatelain-Berry
Pour aller plus loin :
1- Coronavirus : le positif que nous allons en tirer
2- 5 techniques pour arriver de bonne humeur au travail chaque matin
CONFÉRENCES : Si vous souhaitez avoir des informations pour une conférence, en Français ou en anglais, dans votre entreprise, c'est par ici.
PODCAST : « Happy Work », le podcast que je fais chaque semaine pour la chaîne info LCI.
FORMATION : découvrez ma formation gratuite au management bienveillant sur LinkedIn Learning
LIVRES : Mais qui a tué BoB ?, Les 10 commandements de la bienveillance en entreprise, Mon boss est nul, mais je le soigne, Je me trouve nul(le), mais je me kiffe, La Voleuse de vies
Commentaires0
Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire
Articles suggérés