"EDHEC Love Stories" : le discours de mariage, par Christophe Collard, professeur de droit à l'EDHEC Business School
« EDHEC Love Stories »… Septembre 2006 : deux jeunes EDHEC vont bientôt se dire oui devant leurs familles et leurs amis. Nous nous connaissons bien : je les ai suivis de près, ils m’ont subi pendant un certain nombre d’heures de cours. Leurs camarades de classe me demandent de composer un texte qui leur sera lu lors de leur soirée de mariage. Je m’attèle à cette tâche avec enthousiasme et sérieux : en bon juriste, je conçois mon texte en deux parties ; mais conscient du nombre d’anciens préparationnaires qui l’écouteront, j’adopte une progression en entonnoir : je parlerai d’abord du mariage entre EDHEC en général et m’intéresserai ensuite plus particulièrement aux jeunes époux. C’est ce texte, légèrement dépoussiéré, que je partage aujourd’hui avec vous…
« Chère Stéphanie, Cher Benoit, c’est votre professeur qui vous parle ! Dès lors, ne soyez pas étonnés du ton professoral, si ce n’est magistral, qu’adoptera la présente communication.
J’ai choisi d’aborder pour vous un thème qui m’a semblé de circonstance : celui du mariage constudiantin, autrement dit le phénomène endogamique inter-EDHEC. Il s’agira, pour être plus clair, de décrire et analyser brièvement le phénomène de formation des couples à l’intérieur de notre chère Ecole (ce que nous aborderons dans une première partie) pour nous intéresser ensuite (dans une seconde partie) au cas particulier du couple formé par Stéphanie et Benoit.
1. La typologie du mariage constudiantin inter-EDHEC
Un mariage, à tout le moins jusqu’à présent [la loi sur « le mariage pour tous » ne sera votée qu’en 2013], suppose l’union entre deux personnes de sexe opposé... La précision pourrait paraître triviale si elle ne permettait de souligner que la première femme diplômée de l’EDHEC le fut en 1939, soit plus de 30 ans après la création de l’Ecole. La mixité allait rapidement produire les effets que vous imaginez puisque c’est à la Libération qu’Odette Pécheux (promo 1942) et Fernand Jouniaux (promo 1945) convolèrent en justes noces, inaugurant ainsi ce qui allait devenir une longue lignée. Odette et Fernand avaient tous deux intégré l’EDHEC en 1939, mais le diplôme de Fernand avait été retardé par sa mobilisation sous les drapeaux...
Depuis lors, l'eau a coulé sous les ponts et la bière dans les fûts…
Entre 1942 et 2005, ce sont exactement 442 mariages entre diplômés qui ont été enregistrés par l’Association des EDHEC. Ce chiffre est d'autant plus impressionnant qu'il convient de le multiplier par deux pour obtenir le nombre d'EDHEC mariés à des EDHEC. Passé par le prisme grossissant du marketing, nous obtenons ainsi le chiffre de près de 1000 diplômés de l’EDHEC que Stéphanie et Benoit rejoignent aujourd’hui !...
Depuis 1990, ce sont en moyenne 20% d’une promotion qui trouvent chaque année leur moitié dans notre belle école. Ce chiffre ne traduit bien évidemment pas les multiples échanges furtifs, qu’ils soient amoureux ou plus simplement bestiaux, cette dernière référence renvoyant aussi bien aux lapins qu’aux bonobos...
Statistiquement, les amoureux – les vrais – se rencontrent au sein même de leur promotion : trois-quarts des couples inter-EDHEC sont de la même promo ou n'ont qu'une promo de différence. Mais pour certains comme Yves (promo 73) et Isabelle (promo 82), la différence atteint 9 promotions d'écart...
On peut pousser la typologie jusqu’à remarquer que le couple type EDHEC-EDHEC est formé de Philippe et Isabelle : ils sont de la même promo, et se sont mariés 3 ans après leur sortie de l'école. L’annuaire des Anciens ne permet malheureusement pas d’identifier la proportion d’enfants de ces couples qui auront eux-mêmes intégré l’EDHEC. Je propose néanmoins qu’on applique à ceux-là une réduction significative sur le prix de la scolarité.
Mais quelles peuvent être les raisons de cet engouement matrimonial des EDHEC pour les EDHEC ?
Voici quelques pistes de réflexion qui permettront de lancer le débat :
1) c’est la traduction de ce que l’on appelle "l'esprit EDHEC" ;
2) c’est le choix de la proximité ou la proximité du choix ;
3) cela est dû à la qualité des cours de langue ;
4) c’est un effet des chaudes dégustations organisées par Dionysos...
Cette dernière référence [les jeunes mariés étaient tous deux membres actifs de Dyonisos] m’offre une parfaite transition pour aborder le cas particulier du couple formé par ceux qui depuis tout à l’heure se demandent ce que va leur réserver la deuxième partie de cet exposé...
2. Le couple Stéphanie-Benoit
Dans l’univers des étudiants de l’EDHEC, tout a priori séparait ces deux-là, en particulier trois lettres inscrites comme au fer rouge sur le front de Benoit : « A. S. T. » pour « Admis Sur Titre »... En effet, pour nombre d’élèves issus des classes prépas, ce marquage d’origine universitaire est encore trop souvent et très injustement perçu comme le sceau de l’infamie. C’est certainement en luttant pour un rapprochement de ces deux populations que Benoit s’est rapproché... de Stéphanie, le même mouvement de la part de cette dernière ayant été également constaté, une fois brisée sa réserve naturelle.
Belle victoire que constitue donc ce couple, un petit « Oui » devant l’humanité, mais un grand pas pour la mixité à l’EDHEC !...
Le fait est que ce couple mixte se fit rapidement remarquer, notamment par les professeurs, qui très vite les comparèrent à ces oiseaux de la famille des Psittacidés que l’on dénomme poétiquement « Les Inséparables », ou Lovebirds en anglais. Point commun entre eux et ces charmants oiseaux dont les prises de bec révèlent paradoxalement leur entente parfaite, c’est une certaine tendance à gazouiller, babiller, piailler, voire pépier plus que de raison... ce qui m’amena parfois à devoir réclamer leur attention. Je ne doute pas qu’ils parlaient essentiellement de droit, mais le leur semblait beaucoup plus amusant que le mien...
Il me reste maintenant à conclure, ce qui pour moi est toujours difficile, contrairement à Benoit, ainsi qu’il en a fait la brillante démonstration.
Vive le mariage constudiantin ! Vive les mariés ! »
Christophe COLLARD Les 15 septembre 2006 |
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