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Rencontre avec Thibault Desmarest (BBA 1997), Président de GSK France

Interviews

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21/05/2024

Issu de l’EDHEC International BBA après des études en biologie, Thibault Desmarest occupe depuis 2 ans la présidence française de GSK, groupe biopharmaceutique britannique, comptant parmi les leaders mondiaux des médicaments de prescription et des vaccins. Traiter, soigner et protéger : trois mots d’ordre nécessaires dans son parcours ponctué de longues expériences chez Astra Zeneca et chez Sanofi, qui l’ont conduit de Paris à Tokyo, en passant par les États-Unis. Il nous décrit les spécificités du marché pharmaceutique français dans un écosystème économique mondial orienté par l’innovation et la personnalisation des dispositifs de santé. 

Comment résumerais-tu ton poste et tes responsabilités actuelles ?

Je suis président de GSK France, responsable des activités pharmaceutiques de la filiale et, de ce fait, également à la tête du Country Executive Board, qui réunit les responsables de toutes nos activités en France : 3 sites de production, laboratoire ViiV Healthcare (100% dédié au VIH) et quelques fonctions support-clés dans l’organisation.

Nous sommes la seule filiale européenne (hors Royaume-Uni) à avoir 3 sites de production sur notre territoire : 1 à Saint-Amand-les-Eaux (Nord), fleuron de technologie qui fabrique un grand nombre des vaccins de notre portefeuille ; 1 à Évreux, spécialisé dans les traitements des maladies respiratoires ; 1 à Mayenne, qui fabrique des antibiotiques pour plus de 100 pays, et qui fournit environ 30% du marché français. Le siège à Rueil-Malmaison réunit toutes les autres fonctions commerciales, médicales et support. J’ai pour responsabilité de m’assurer que les objectifs annuels de chiffre d’affaires et de croissance de la filiale soient atteints, de représenter le Groupe GSK auprès des autorités de santé et des pouvoirs publics, et aussi d’incarner et de faire vivre la culture GSK France, auprès de nos 3 400 collaborateurs.

Je siège aussi au Conseil d'administration du leem, l’organisation professionnelle des entreprises du médicament, dont les administrateurs se réunissent régulièrement pour soutenir et développer l'industrie pharmaceutique en France, qui représente une part importante du PIB (près de 100 000 emplois, 271 sites industriels). Nous souhaitons que les patients français aient accès aussi facilement aux produits innovants que les autres Européens. 

Qu’est-ce qui différencie l’accès au médicament en France ? 

Les systèmes de santé sont différents d'un pays à un autre. En France, la couverture et la prise en charge comptent parmi les meilleures au monde. Aujourd'hui, nous faisons face à une vague de nouvelles thérapies personnalisées, ce qui est une vraie avancée pour les patients, mais cela coûte de plus en plus cher à développer, et met souvent plus de 10 ans à voir le jour. Au sein de l'industrie pharmaceutique, le budget de la Recherche et Développement est beaucoup plus élevé que dans d’autres industries, en général 10% du chiffre d'affaires, et 20% chez GSK. Le gouvernement décide ensuite du prix du médicament qui est mis sur le marché. Une entreprise internationale comme GSK met tout en œuvre pour que la France puisse avoir accès aux dernières innovations thérapeutiques. Mais pour qu’un groupe étranger investisse en France, les innovations thérapeutiques et les délais d’accès au marché doivent être compétitifs et valorisés par les autorités. 

En France, il faut savoir que nous avons les prix les plus bas d’Europe. Et les délais de mise sur le marché de nouveaux médicaments sont plus longs que dans d’autres pays Européens (5 fois plus qu’en Allemagne, par exemple). Avec le leem, nous travaillons sur ces sujets avec les pouvoirs publics pour améliorer la situation. 

De plus, le budget public des médicaments, quasiment égal d’année en année, est déconnecté des besoins de la population française et ne laisse que très peu de place à la prise en charge des nouvelles innovations thérapeutiques.  

La France se doit aussi de rester attractive dans la recherche clinique, pour donner à de nombreux patients un premier accès à l’innovation et permettre aux médecins d’utiliser les produits dans le cadre d'essais cliniques. Il faut se réjouir des nouveaux systèmes qui ont été mis récemment en place pour permettre à certains produits d’être mis sur le marché avant même leur autorisation officielle et remboursement. Ces dispositifs visent à répondre aux besoins médicaux non satisfaits et à fournir des traitements aux patients qui en ont besoin le plus rapidement possible.

L'innovation, c'est aussi prévoir des pathologies qui n'existent pas encore ?

L'innovation, c'est chercher tout le temps, dans notre domaine d’expertise, là où nous avons les meilleures compétences : respiratoire, vaccins et traitements de spécialité et de médecine générale. Si on s’éparpille, on réduit ses chances de réussir. Dans un environnement de plus en plus mondial, nous sommes toujours à la recherche de traitements plus performants ou répondant à de nouvelles maladies. Pour accélérer nos recherches, il ne faut pas bâtir nos espoirs que sur notre propre R&D, c’est pour cela que régulièrement nous faisons l’acquisition de sociétés de plus petite taille, qui développent des molécules spécifiques. L’une des aires thérapeutiques prioritaires de GSK concerne les maladies infectieuses, car la vaccination reste un des meilleurs moyens de prévenir de nombreuses maladies et en même temps de réduire significativement l'empreinte carbone des pays, par la diminution des hospitalisations, des trajets et de la production de médicaments. 

L’enjeu environnemental est-il devenu prioritaire dans l’industrie pharmaceutique ?

Sur un poste comme le mien, dans une industrie comme la santé, ne pas s'intéresser à la RSE est une erreur car je suis convaincu que la santé des Hommes est intrinsèquement liée à la santé de notre planète. Dès mon arrivée, j'ai voulu faire de GSK France le premier contributeur à la réduction de l'empreinte carbone du Groupe. La Ventoline (médicament qui traite les symptômes de l’asthme et la BPCO – broncho-pneumopathie chronique obstructive) représente actuellement 50% de toute l'empreinte carbone du Groupe parce qu’elle contient un gaz à effet de serre. Des essais cliniques sont en cours sur notre site d’Évreux pour développer une nouvelle formulation avec un gaz à bas impact carbone. Ce nouveau gaz demande de changer tout le dispositif de fabrication et de construire une nouvelle usine, ce qui pourra nécessiter jusqu’à 350 millions d'euros d'investissement. Cette nouvelle formulation, qui sera produite en France pour le marché français et le monde entier, a le potentiel de réduire de 40% l'empreinte carbone mondiale de GSK, grâce à ce seul produit. Une vraie source de fierté, Made in France !

Au-delà de l’aspect environnemental, quels seront les avantages concurrentiels de demain dans le secteur pharmaceutique ? 

C’est en alliant la science (innovation), les technologies et les talents, que nous pourrons devancer les maladies d’aujourd’hui et de demain. C’est l’ambition que nous avons pour rester un des laboratoires majeurs au niveau mondial. 

Chez GSK, nos équipes sont très pointues dans le respiratoire, l’immunologie, l’oncologie, l’hématologie et le VIH, nous développons des thérapies très ciblées et différenciantes. 

Nous investissons aussi énormément dans les nouvelles technologies, et recrutons dans le machine learning et l’intelligence artificielle. Nous travaillons aussi avec un maillage d'entreprises expertes dans ce domaine car aujourd’hui, un tiers des données disponibles dans le monde sont liées à la santé. Le traitement de l'information permet d’accélérer le développement d'un produit. Avant, il fallait développer la molécule en laboratoire, la tester chez l'animal puis chez l'humain. Aujourd'hui, on peut modéliser, et surtout, personnaliser les traitements. Dans le cancer de l’endomètre par exemple, il n’y avait pas eu d’innovation thérapeutique depuis 30 ans. Nous avons réussi à développer la première immunothérapie dans ce type de tumeur. Il s’agit d’un progrès majeur en termes de médecine personnalisée car en s’appuyant sur les caractéristiques spécifiques des cellules de la patiente, le produit permet de restaurer l’activité immunitaire antitumorale. Associée à la chimiothérapie, cette solution thérapeutique offre de nouveaux espoirs pour les patientes en prolongeant leur survie de manière significative, voire de diminuer leur risque de décès de près de 70% pour certaines d’entre elles.

Je doute toutefois que les humains soient un jour remplacés par l'intelligence artificielle. C'est, à mon sens, la combinaison de l'Homme et de l'intelligence artificielle qui remplacera l'Homme.

Un autre élément important de la compétitivité des groupes, que j’ai appris à travers mes expériences à l’étranger, repose sur la qualité et la diversité des équipes. Avec des équipes riches de différentes expériences et cultures, dans lesquelles un leadership d’inclusion est favorisé, on peut confronter les opinions et trouver la meilleure solution pour l'entreprise. 

L’innovation est-elle accessible à tous ?

Notre modèle propose bien sûr ces innovations à ceux qui peuvent les financer, mais nous donnons aussi parallèlement à de nombreux pays tous les brevets de nos médicaments contre le VIH pour une production locale à coût zéro. Nous mettons aussi à disposition gratuitement à des ONG notre vaccin contre le paludisme, produit en partie à Saint-Amand-les-Eaux, pour protéger des populations qui ne pourraient malheureusement pas se l'offrir. Il n’y aurait rien de pire qu’un monde à 2 vitesses, où seuls les pays riches pourraient se soigner. 

Qu’est-ce qui améliorerait l’accès aux médicaments ? 

Il serait déjà important d’avoir une approche européenne. On pourrait par exemple simplifier les notices avec un QR code, avoir une boîte générique faisant juste figurer le nom du produit ou la molécule associée, pour faire facilement circuler les produits d’un pays à l’autre, sans divergence de législation ou de langue. Bruxelles y travaille à l’heure actuelle.

Nous gagnerions en flexibilité avec la consolidation d’un outil industriel européen, soutenu ensuite par une certaine contribution au niveau national. L'avantage d’avoir des usines GSK en France ne doit pas être au détriment des autres pays, notamment lorsque surviennent des tensions d’approvisionnement. Faire de la souveraineté nationale sans souveraineté européenne serait commettre une grande erreur. C’est avant tout la souveraineté européenne qui permettra de gérer les potentielles tensions de produits d'un pays à un autre, ou même dans chacun des pays.


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