Le scandale Volkswagen six mois après : une réflexion collective des professeurs de l’EDHEC
A l’EDHEC, la recherche doit se révéler utile pour les entreprises et pour la société dans son ensemble.’’ Au sein de la communauté des professeurs chercheurs d’EDHEC Business School, le scandale VW a été l’occasion d’une réflexion collective. Cette réflexion a porté sur des questions d’éthique et de droit, d’organisation, de communication, mais aussi de stratégie et de finance.
Ces différents regards éclairent sous un jour nouveau le sujet en essayant d’en tirer des leçons pour l’avenir, non seulement de l’entreprise mais également de la gestion des organisations ou des investissements. En effet, même si ce scandale a fait l’objet d’une forte couverture médiatique, il n’a pas donné lieu de notre point de vue à une réflexion suffisante sur les leçons à en tirer.
Nous présentons ici une série de courts points de vue.
Geert Demuijnck, professeur d’éthique, souligne dans sa contribution que ‘« si une culture d’entreprise éthique ne pourra pas totalement éviter des comportements immoraux, elle est un facteur influent dont la responsabilité est collective. La prise de conscience de cette responsabilité de tous pour le maintien d’une culture d’entreprise responsable – même si les dirigeants sont davantage responsables – est, du point de vue d’un management éthique, un élément-clef ».
Face à ce constat Björn Fasterling, professeur de droit, pose la question de l’organisation de la prise de parole des témoins de mauvais comportements au sein de l’entreprise. Comment faire en sorte que leurs voix soient non seulement protégées mais également entendues ? La question est capitale mais bon nombre de grandes entreprises, y compris VW, ne semblent pas l’avoir intégré dans leur culture.
Christophe Roquilly, professeur de droit, met en exergue la difficulté à engager la responsabilité personnelle des dirigeants de VW, tant sur le plan pénal que sur le plan civil, tout en concluant que « la destruction de valeur pour le groupe Volkswagen, qu’elle soit financière, stratégique ou réputationnelle, et résultant du risque juridique, ne peut être neutre pour ceux-ci, surtout lorsqu’elle touche une société qui communique auprès des investisseurs un engagement ferme et non équivoque à respecter la loi et certaines valeurs ».
C’est justement à la dimension stratégique que Philippe Véry et Emmanuel Metais, professeurs de stratégie, s’intéressent. Il s’agit de comprendre les raisons organisationnelles qui ont poussé VW à tricher. Ils posent comme hypothèse de réflexion la théorie du chaos. Ils rappellent que celle-ci est née du constat que dans « des industries à concurrence exacerbée où il faut sans cesse innover, la poursuite d’ambitions élevées peut créer cette d’escalade d’engagement. Celle-ci est une course en avant, par laquelle l’entreprise continue à investir même si ces investissements sont déraisonnables, voire ’insensés »… « L’être humain – ou l’équipe – immergé dans cette escalade d’engagement peut progressivement considérer que « tous les moyens sont bons » pour justifier le surcroît d’investissement, et surtout obtenir le retour sur investissement attendu en dépit des réglementations ».
Arnaud Chéron, directeur du pôle de recherche en économie, s’intéresse au risque de destruction de valeur économique et avance que même si VW « peut accuser le coup, il semble qu’il ait largement les moyens de franchir l’obstacle. A son compte sont crédités plus de 20 milliards d’euros de trésorerie, et Matthias Müller a déjà annoncé que de 15 à 20 milliards d’euros de dépenses pourraient être supprimées sur l’enveloppe des 100 milliards d’investissements prévus pour la période 2015-2018 ». Et de conclure : « Au bilan : si coup de frein il y a, la sortie de route semble donc peu probable. »
Philippe Foulquier, professeur de comptabilité, et Liliana Arias, ingénieure de recherche, aboutissent à une conclusion similaire en considérant que VW a les moyens de traverser la crise qui le secoue, et ajoutent que « ce scandale constitue une réelle opportunité pour restructurer le groupe et en sortir renforcé ». « Ainsi, si VW survit à ces scandales, ces derniers pourraient constituer une réelle opportunité pour remettre à plat l’entreprise et apporter les restructurations nécessaires que le groupe n’avait pas encore menées à bien. Une nouvelle fois, « ce qui ne tue pas, rend plus fort ». S’il n’y a pas sortie de route, le dérapage pourrait donc conduire à un nouveau virage.
Noël Amenc, professeur de finance, Sivagaminathan Sivasubramanian, quantitative analyst, et Jakub Ulahel, quantitative research analyst au sein d’ERI Scientific Beta, ont par ailleurs montré que dans leur volonté de maximiser l’exposition à des facteurs de risques bien rémunérés sur le long terme (par exemple le facteur Value), les investisseurs ont fortement concentré leur portefeuille sur les titres les plus exposés à ce facteur comme l’était le titre VW. Les investisseurs ont de facto oublié l’un des fondements de la théorie moderne du portefeuille : la bonne performance ajustée du risque d’un portefeuille vient de sa diversification. Ils ont observé par exemple que le J.P Morgan Europe Multi-Factor index était très exposé au risque du titre Volkswagen AG tout comme le MSCI Europe Diversified Multi Factor index. En effet, ces indices contenaient respectivement plus de 1,5 et 2 fois plus de Volkswagen AG stocks que l’indice Stoxx Europe 600 et environ 10 et 16 fois plus que le Scientific Beta Extended Europe Multi-Beta Multi-Strategy EW index (1) .
Finalement, comment les dirigeants de VW communiquent-ils sur ce scandale ? Michael Antioco, professeur de marketing, nous livre une grille de lecture de la communication de VW en expliquant que les investisseurs sont diversement sensibles au style de communication, selon leur culture. Il en tire quelques recommandations à destination de l’entreprise.
Il reste à savoir si toute cette « affaire » peut laisser un quelconque sentiment de culpabilité chez les dirigeants de VW. Fabian Bernhard, professeur de management et de family business, s’appuie sur ses travaux portant sur l’émotion de culpabilité dans un contexte professionnel pour énoncer que « la culpabilité parmi les professionnels peut être souhaitable. Il reste à espérer que les dirigeants repentants de VW ont cette distance critique pour soutenir les changements nécessaires. Dans le cas contraire, les campagnes récentes de Volkswagen n’auront pas été l’annonce d’une vraie transformation, mais de la simple publicité ». Seul l’avenir nous le dira…
(1)-Cet article, non-joint au présent dossier, est disponible ici
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