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Conférence-rencontre avec Brigitte Grésy, Secrétaire Générale du Conseil Supérieur à l'égalité professionnelle

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05/02/2015

Nous étions une cinquantaine de personnes réunies pour assister à la conférence de Brigitte Grésy, venue nous présenter son dernier ouvrage : « La Vie en Rose, pour en découdre avec les stéréotypes. »

En premier lieu, Brigitte Grésy  clarifie la différence entre catégorisation et stéréotypes.

La catégorisation est une opération mentale qui consiste à découper le monde en ensembles de personnes ou de choses de même nature à partir de leurs caractéristiques communes. Cela sert à classer les informations reçues et se révèle indispensable pour simplifier et comprendre la réalité. 

Les stéréotypes, eux, offrent des représentations simplifiées et parfois déformées de la réalité, dans lesquelles certaines caractéristiques qui appartiennent à quelques-uns sont admises comme étant communes à tous les membres du groupe. Ils fonctionnent par le biais de généralisations erronées. Ils conduisent à un système de pensée rigide, comme le sexisme, c'est-à-dire une idéologie qui érige la différence sexuelle en différence fondamentale, déterminant un jugement sur l’intelligence, les compétences et les comportements.

Les stéréotypes fragilisent ainsi les sentiments de compétence personnelle et participent à la malédiction des 20% :

plus de 20% d’écart de rémunération, 20% de femmes expertes dans les média, 20% d’hommes à temps partiel, 20% des tâches domestiques assurées par les hommes, 26% de femmes à l’Assemblée Nationale …

Il faut continuer à travailler sur l’égalité. Il y a le rationnel et l’accord politiquement correct d’un côté et l’archaïsme des stéréotypes de l’autre.

Les stéréotypes se retrouvent aussi dans  les couples binaires de qualificatifs. Le positif est toujours du côté des hommes et le négatif du côté des femmes : positif/négatif, masculin/féminin, actif/passif, …et s’inverse selon les valeurs de la société. En Asie par exemple, le passif est vu comme positif, c’est l’ataraxie du sage et c’est un attribut masculin alors que l’actif est vu comme une agitation brouillonne et s’attache au féminin !

Cette opposition se retrouve d’ailleurs dans la difficulté à féminiser les titres.

Depuis l’enfance, on ne traite pas les filles et les garçons de la même manière que ce soit dans la sphère familiale, au sein les structures de la petite enfance ou à l’école. Aux garçons, les jeux de construction et le sport qui entraîne l’acquisition de repères dans l’espace et la prise de risques, et aux petites filles, l’élégance, le beau à voir, la danse, les jouets liés à la sphère de la maison.

Dans le monde du travail non plus, on ne traite pas pareil les hommes et les femmes. L’injonction « Osez » faite aux femmes est culpabilisante. On ne peut oser parler chinois si on ne l’a pas acquis. Il vaut mieux dire « Osez apprendre et vous former à ces compétences qu’on ne vous a pas apprises. », « Osez vous exercer ».  Apprenez les techniques d’affrontement et de gestion des conflits.

La vie à la maison est le creuset de ces différences de traitement. Seul 1 couple sur 5 est mono-actif, cependant, les femmes assurent encore 80% du travail domestique et les récentes études ne montrent pas l’évolution qu’on aurait pu attendre des nouveaux pères. Les femmes font 1h1/2 de ménage par jour en plus que les hommes qui, eux, font du présentéisme sur leur lieu de travail. Les femmes sont victimes de « surménage ». Et ce, alors que 70% des filles et seulement 54% des garçons obtiennent le baccalauréat pour une même génération. Il y a un plafond de verre mais aussi un mur de verre. La mixité (c’est-à-dire comportant au moins 40% d’un des deux sexes) n’est atteinte que dans 12 filières de métier sur 80.

Un diplôme de femme vaut moins qu’un diplôme d’homme. Une femme est perçue comme un agent à risque. C’est une discrimination systémique qui entraîne un conflit de légitimité et un sentiment d’imposture chez les femmes.

Les femmes sont souvent dans les compétences discrètes, qui ne sont pas valorisées : ce sont celles qui ne se voient que lorsqu’elles ne sont pas faites.

Notons que les hommes aussi sont enfermés par les stéréotypes et dans le jeu des 3D :

-          Déni des normes masculines : « être un gagnant », « ne jamais montrer de failles », « être à la hauteur », « ne pas montrer d’émotion » qui ne permet pas aux hommes d’exprimer leur invidualité
-Dépit face à une double dépossession professionnelle et privée : l’emploi n’est plus garanti à vie, les femmes sont des concurrentes dans la vie professionnelle et ils n’ont pas fait les efforts nécessaires pour investir la sphère familiale.
-Désir d’un nouvel équilibre

L’homophobie, le racisme sont reconnus et dénoncés, le sexisme l’est beaucoup moins.  

Nous assistons à présent à la montée du sexisme bienveillant et des contre-stéréotypes.. L’empathie, l’intuition, l’aptitude au lien social, qualités « féminines » sont louées et devraient être adoptées par les hommes. Mais c’est là penser en termes de genre ce qui est de l’ordre individuel, ce qui est de l’ordre du talent de chacun.

Par exemple, l’intuition  est considérée comme une qualité féminine alors qu’elle est celle de l’opprimé qui doit anticiper les désirs du maître.

Le leadership féminin ne peut s’entendre que du leadership des femmes. Ce n’est pas une qualité spécifique. Le leadership n’a pas de genre (cf compte-rendu de la conférence Edhec’Elles « le leadership a-t-il un genre ? » EDHEC Paris, janvier 2014). Nous ne sommes pas des valeurs ajoutées mais des valeurs. Il n’y a pas de qualité sexo-spécifiques. La différence des sexes n’entraîne pas celle des aptitudes. A la naissance, 90% de nos neurones ne sont pas connectés, c’est la plasticité cérébrale qui fait le travail. Les femmes éprouvent souvent un sentiment de culpabilité : elles se sentent dans le trop ou le pas assez.

Les hommes qui voient d’un mauvais œil le quota imposé dans les conseils d’administration  oublient que le régime précédent de cooptation masculine équivalait en fait à un quota invisible qui excluait les femmes. Quand on égalise, on professionnalise et cela sert à tout le monde. C’est un process de transformation qui aide les femmes et les hommes.

Il y a une montée d’une panique identitaire mais il s’agit simplement de reconnaitre que les filles et les garçons ne sont pas faits pareil mais qu’ils peuvent faire pareil. Ils sont à égalité de puissance, d’incomplétude et de frustration. La reconnaissance de la différence est l’apprentissage de la tolérance.

Pour faire progresser les choses, il faut revoir l’organisation du travail, l’évaluation des ressources humaines sur des bases différentes (présentéisme, promotion à l’âge où les femmes ont des enfants...). Vérifier que dans les promotions, il y a bien égalité des chances entre hommes et femmes, vérifier le libellé des classifications et des référentiels de compétence.

 

À l’issue de la conférence, Brigitte Grésy a dédicacé le livre présenté ainsi que l’incontournable « Petit Traité contre le sexisme ordinaire ». Edhec’Elles remercie encore vivement Brigitte Grésy pour le temps qu’elle nous a consacré, ainsi que les participantes, très motivées.

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