Table Ronde « Le Burn Out »
Nous étions une quarantaine, femmes et hommes, à nous retrouver pour mieux comprendre ce que recouvre le terme de « Burn Out ». Grâce à nos expertes et témoins, toutes bénévoles, nous avons pu avoir une vision à 360° et aborder tous les aspects de ce syndrome dont la reconnaissance est assez récente en France. Cette première table ronde a été très enrichissante, dense et qualitative. Les échanges se sont poursuivis lors du cocktail dans une ambiance conviviale.
Encore tous nos remerciements, par ordre d’intervention à :
Danièle Ruffet, Claire Dieterling, Sandrine Guilmin, Alice Rouquette et Marie-Laure Belli.
Voici le compte rendu réalisé par les ambassadrices :
L’industrie aérospatiale définit le Burn Out comme « la désintégration des machines à court de carburant ». Une définition qui met plus en exergue la violence de la situation de Burn-Out que la traduction française : épuisement professionnel.
Définition de l’OMS : «un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail. »
Le Burn Out n’est pas considéré comme une maladie mais comme un syndrome. Il se traduit par des symptômes tout d’abord discrets comme la fatigue puis visibles physiquement et au changement de comportement : irritabilité, passage rapide du rire aux larmes, mal de tête et santé fragile. Il est, en effet, prouvé que le stress abaisse les défenses immunitaires. Enfin, manque d’intérêt pour les autres, déshumanisation et perte de personnalité, perte de confiance en soi et d’estime pour soi.
Le Burn Out est différent d’une fatigue « dépassée » car on peut se remettre d’une fatigue en se reposant, alors qu’on n’arrive pas à se reposer lorsqu’on est en situation de Burn Out. Il n’est pas non plus une dépression, bien qu’il puisse y être associé.
Il est intéressant de considérer comme Richard Matte, président de l’APST (Association des professionnels en santé du travail), que : « Le mal-être est au travail de bureau du XXIe siècle, ce que les doigts écrasés étaient au travail en usine du siècle dernier. Aujourd’hui, les gens travaillent plus avec leur cerveau qu’avec leur corps. »
Les origines du Burn Out :
Le Burn Out vient de la combinaison de trois facteurs : un facteur organisationnel, un facteur interindividuel (notion de solitude) et un facteur intra-individuel (personnes investies dans leur travail). Il faut également noter que plus une personne prend son travail à cœur, plus elle est susceptible d’être touchée mais il est important de ne pas se concentrer sur ces deux derniers facteurs et travailler sur le facteur organisationnel.
Que faire si l’on est confronté à une situation de Burn Out ?
L’identifier, c’est-à-dire le distinguer d’autres syndromes, puis évaluer les risques pour la personne, alerter le médecin du travail, et orienter vers un professionnel du traitement du Burn Out.
En ce qui concerne la personne touchée, la première mesure à prendre est l’arrêt de travail qui sera, le plus souvent, d’un minimum de 4-6 mois. La seconde est de retrouver le sommeil, avec prescription dans les cas qui le nécessitent. La troisième est d’hospitaliser, si nécessaire. La quatrième est de prévoir un retour à l’emploi.
Il faut absolument déculpabiliser la personne touchée, ce n’est pas elle qui doit être remise en cause. L’organisation du travail doit être modifiée et il faut se référer aux obligations légales de l’employeur.
Les obligations de l’employeur : prévention et évaluation des risques.
Actuellement, on estime que 19% des chefs d’entreprises et cadres sont « à risque élevé » de Burn Out. C’est une surcharge de travail qui donne l’impression de ne pas arriver à travailler suffisamment pour parvenir au résultat attendu. Il est de l’intérêt de l’employeur de s’en préoccuper car, au-delà des obligations légales, le stress provoque 3,5 millions de journées de travail perdues par an.
La première obligation de l’employeur est de prévenir les risques pour ses salariés :
- Surveillance médicale des salariés par des visites médicales. La jurisprudence considère que c’est une faute de l’entreprise si elle n’a pas lieu.
- Entretiens (pluri)annuels pour les salariés au régime forfait jours (en général 218 jours par an)
- Formation (pratiques managériales, gestion du stress)
La seconde obligation de l’employeur est d’évaluer les risques par des entretiens et différents indicateurs comme, par exemple, une augmentation des arrêts de travail et le fait de ne plus prendre de pause déjeuner.
L’employeur est tenu d’établir un Document Unique d’Evaluation.
La troisième obligation se présente quand un salarié souffre de Burn Out. L’entreprise doit réagir immédiatement, revoir son organisation du travail et ses objectifs, et à long terme, mettre en place un plan de prévention.
Les responsabilités du salarié :
Il doit respecter les règles de sécurité, alerter l’employeur en cas de danger grave et imminent (notion difficile à évaluer notamment en cas de répétition). Il peut faire jouer son droit de retrait (sans sanction ni retenue sur le salaire) et prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur. Il peut aussi demander la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Comment réagir si la personne sent venir la situation de Burn Out ?
Il faut surtout, d’une part, alerter l’employeur par écrit (et pas seulement par oral) ; d’autre part, faire constater son état par un médecin du travail qui déclarera la personne inapte et son généraliste qui délivrera l’arrêt de travail. Il est important de voir le médecin du travail qui a plus de poids car il fait le lien avec le contexte de l’entreprise. Il faut également tenter de faire établir le caractère professionnel du Burn Out au même titre qu’un accident du travail. On peut aussi mener une action en dommages et intérêts auprès du conseil des Prud’hommes.
En ce qui concerne le rôle des RH
Le processus général de prévention consiste à évaluer : identifier les facteurs de risques présents dans l’organisation et analyser les modalités d’exposition des salariés, et à prévenir. Il y a trois types de prévention. La prévention primaire, à long terme, vise à agir sur les causes organisationnelle. La prévention secondaire, à court terme, concerne la gestion individuelle de la personne sujette au Burn Out. La tertiaire est la préparation du retour à l’emploi.
Par exemple, des mesures efficaces sont :
- la mise en place d’un questionnaire annuel pour évaluer la charge mentale, la latitude décisionnelle, le soutien des collègues, les modalités d’alerte (niveau de stress et de santé) tel que le propose le modèle de Karasek. Il faut bien sûr l’adapter aux problématiques de l’entreprise. Un score final permet de placer chaque personne dans une grande tendance. Détendu, actif, passif, Jobstrain. Il existe aussi le modèle Siegrist qui évalue la balance entre l’effort et la reconnaissance.
- En entretien, il faut poser des questions comme : vous projetez-vous dans notre entreprise à 2 ans et notez de 1 à 10 votre satisfaction au travail.
- Mettre en place des formations collectives pour ne pas que la personne se sente particulièrement visée.
Les signes avant-coureurs
Les personnes en risque de Burn Out font généralement de gros horaires, ne prennent pas leurs congés, n’arrivent plus à gérer leurs priorités, ne voient pas de perspectives d’évolution pour elles dans l’entreprise, culpabilisent de manière excessive, perdent en efficacité (elles ont envie de faire mais n’y arrivent plus), leur relationnel devient compliqué, elles perdent l’appétit, le sommeil, et sont tristes.
La reconstruction : un long arrêt de travail est nécessaire. Il faut prendre du repos, puis prendre le temps de penser et de se reconstruire car la personne est passée par des sentiments difficiles de honte, de culpabilité, de colère, et de tristesse. Pendant cette phase de repos, il faut observer ce qui nous fait sourire et ce qui nous fait plaisir. Enfin, se demander de quoi on a envie et commencer sa réintégration.
Bibliographie (Danièle Ruffet) :
- Philippe Zawieja et Franck Guarnieri, Diagnostic, analyse et prévention du burn out, Armand Collin recherches, 2013
- Catherine Vasey, Burn out, le détecter et le prévenir, Ed. Jouvence, 2012
- Christophe Dejours & Isabelle Gernet, Psychopathologie du travail, Elsevier Masson, 2012
- Danièle Linhart collectif, Pourquoi travaillons-nous ? : Une approche sociologique de la subjectivité au travail, Érès, 2008
- Pierre Canouï, Aline Mauranges, Le burn out à l’hôpital, Masson, 2008
- Volkoff S., Gollac M. Les conditions de travail, Repères/La Découverte, 2000
- Catherine Franceschi-Chaix, Le syndrome de burn-out, thèse de médecine, Limoges, 1992
Bibliographie (Marie-Laure Belli) :
Christina Maslach, Michael P.Leiter, Burn-Out, le syndrome d''épuisement professionnel, les Arènes
Suzanne Peters, Dr Patrick Mesters, Vaincre l'épuisement professionnel, Toutes les clés pour comprendre le burn-out, coll. Réponses, Robert Laffont
Sabine Bataille, Se reconstruire arpès un burn-out, les chemins de la résilience professionnelle, Intereditions
Pascal Chabot, Global Burn-Out, Pesrpectives critiques, PUF
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